• Guerre oubliée ou laboratoire d’un conflit majeur ?

    CLES212-2

    Coincé entre le golfe d’Aden (au sud) et l’Arabie Saoudite (au nord), le Yémen est en proie, depuis 2004, à une guerre civile meurtrière d’origine tribale opposant la minorité zaïdite du pays (une composante particulière du chiisme dite houthiste par référence au chef historique de la rébellion, Hussein Badreddine al-Houthi) à la majorité sunnite au pouvoir, qu’incarne aujourd’hui le président Mansour Hadi. 

    Endémique depuis la fin de la monarchie qui, en 1962, a entraîné la disparition de l’imamat zaïdite autonome qui existait au nord du pays, cette crise a pris un tour aigu, en 2015, avec l’intervention de l’Arabie Saoudite au côté du président Hadi et le soutien symétrique fourni aux houthis par l’Iran.

    En passant à l’offensive, les Saoudiens n’ont pas seulement provoqué une catastrophe humanitaire et sanitaire dénoncée par l’OMS (70% de la population yéménite menacée par la famine, 3 millions de personnes déplacées et déjà 1 million de cas de choléra); ils ont impliqué indirectement dans le conflit les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne qui lui fournissent un large appui technique et logistique et, directement, une dizaine de puissances régionales parmi lesquelles les Emirats Arabes Unis, l’Egypte, la Jordanie et le Maroc.

    Une mobilisation internationale qui pourrait jeter les bases d’un conflit plus vaste…

    Première question qui commande toutes les autres : pourquoi l’Arabie saoudite qui, traditionnellement, thésaurise le matériel militaire davantage qu’elle ne s’en sert, a-t-elle pris le risque d’entrer en guerre pour garantir le régime du président Hadi ?

    D’abord pour répondre à ce que Ryad tient, à tort ou à raison, pour une menace vitale : la réémergence de l’Iran chiite comme première puissance de la région.

    Démographie et religion sont, ici, inséparables : nation homogène, l’Iran compte 80 millions d’habitants quand l’Arabie saoudite n’en aligne que 30 millions, dont 10 millions d’étrangers.

    Et parmi les 20 millions de Saoudiens, une minorité chiite (15%) qui, pour le régime, présente l’inconvénient majeur d’être implantée autour des puits de pétrole du royaume…

    Autre raison pour laquelle Ryad redoute l’influence de Téhéran : son régime politique, républicain depuis la révolution islamique de 1979.

    Un exemple qui pourrait se révéler contagieux et que brandissent tous ceux qui, dans les monarchies du golfe, contestent la légitimité des dynasties en place.

    Une indifférence internationale inversement proportionnelle à l’importance de l’enjeu

    L’intervention du royaume saoudien au Yémen a-t-elle eu, pour autant, l’effet escompté ? Malgré l’appui massif des Etats-Unis, la coalition emmenée par Ryad n’a pas réussi à réduire la poche chiite constituée autour de Saada, à l’Ouest du pays.

    Hors d’état de remporter le moindre succès significatif, les Saoudiens se heurtent, en sus, à la réprobation de la plupart des ONG, qui se voient interdire l’accès aux zones de combat.

    Certains observateurs n’hésitent pas à parler de « génocide », s’agissant du sort réservé à la population chiite, soumise en moyenne à 80 raids aériens par jour depuis trois ans, tandis que, dans le même temps, aucun moyen significatif n’était engagé par Ryad contre Daech (voir notamment la tribune du colonel Alain Corvez, Les pays occidentaux complices de crimes contre l’humanité au Yémen, publiée sur www. CF2R.org).

    Pourquoi, alors, une telle indifférence occidentale ? Selon le chercheur Laurent Bonnefoy, l’un des meilleurs spécialistes français de la péninsule arabique et auteur de Yémen : de l’Arabie heureuse à la guerre (Fayard, 2017), les racines de cette relégation sont à chercher dans la Guerre froide.

    Longtemps considéré comme l’une des perles de l’empire britannique en raison de sa situation géographique exceptionnelle – le port d’Aden était, en 1850, le deuxième du monde en termes de trafic – le Yémen indépendant s’est marginalisé en devenant, de 1967 à 1990, le seul régime marxiste du Moyen-Orient puis, celui-ci renversé, aggrava son cas en soutenant l’Irak lors de la première Guerre du Golfe (1990-1991).

    Ce qui lui valut de lourdes représailles des Etats-Unis et de son voisin saoudien qui expulsa de force 800.000 travailleurs yéménites, point de départ d’une paupérisation accélérée par la guerre civile et la faiblesse structurelle des ressources naturelles du pays.

    Il faut dire aussi qu’à la moindre tentative d’attirer l’attention sur la catastrophe humanitaire yéménite, l’Arabie saoudite a veillé au grain en jouant de son influence auprès de ses (nombreux) fournisseurs pour bloquer toute résolution de l’Onu contraire à ses intérêts.

    Première conséquence du conflit : la renaissance accélérée d’Al-Qaida 

    Pourtant, deux enjeux géopolitiques majeurs qui dépassent de très loin le cadre yéménite devraient alerter l’opinion mondiale : la renaissance d’Al-Qaida consécutive à l’intervention saoudienne et la dimension de répétition générale d’un futur conflit Etats-Unis/Iran que prend chaque jour celle-ci.

    Pour lutter contre la rébellion houthiste, la coalition saoudienne s’appuie en effet sur des milices locales d’obédience salafistes – donc farouchement anti-chiites – qui, du coup, gagnent du terrain. Au point, par exemple, de prendre, en 2015, le contrôle de Moukalla, la cinquième ville du pays.

    Rappelons que le Yémen fut, à la fin des années 1990 et au début des années 2000 le berceau de l’organisation animée par Oussama Ben Laden, lequel était lui-même le fils d’un immigré yéménite installé en Arabie Saoudite avant d’y faire fortune.

    C’est aussi à Aden, en octobre 2000, qu’Al-Qaida, créé treize ans plus tôt, entra dans l’histoire avec l’attentat-suicide mené contre le destroyer américain USS Cole (17 marins tués).

    Fondée en 2009, sa branche yéménite, AQPA (Al-Qaida dans la péninsule arabique), est considérée par les services de renseignement occidentaux, CIA comprise, comme la succursale la plus agressive de l’ex-nébuleuse Ben Laden.

    Celle, précise encore le capitaine Jeff Davis, porte-parole du Pentagone, qui a « le plus de sang américain sur les mains » (The New York Times, 6 août 2017).

    C’est d’AQPA que se sont revendiqués, également, les frères Kouachi, auteurs de la sanglante fusillade qui, en janvier 2015, a coûté la vie aux journalistes de Charlie Hebdo.

    Tel n’est pas le moindre paradoxe de la situation que de voir les Etats-Unis favoriser, par leur intervention au côté des Saoudiens, la renaissance de l’hydre qui justifia, en 2001, leur intervention en Afghanistan.

    Pour les faucons républicains, le problème iranien ne peut avoir de solution que militaire. 

    C’est que, pour Washington, l’ennemi principal n’est plus Al-Qaida, encore moins Daech, mais bien l’Iran. Et ce parti pris, largement inspiré par Donald Trump, en rupture avec la politique de détente initiée par Barak Obama et l’Union européenne, rejoint celui de l’Arabie saoudite.

    Une coïncidence explosive qui, déjà, débouche sur des signaux convergents. Le plus frappant est la conférence de presse tenue, le 11 décembre 2017, par l’ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, Nikki Haley.

    En un remake saisissant de la saynète jouée quatorze ans plus tôt par Colin Powell, alors secrétaire d’Etat de George Bush, agitant devant les caméras du monde entier les fioles censées contenir l’anthrax produit par l’Irak de Saddam Hussein et rendant publiques les photos des sites soi-disant producteurs d’armes de destruction massives, Mme Haley a dévoilé à la presse les fragments d’un missile de fabrication iranienne tiré, quelques semaines plus tôt, depuis le Yémen, par les rebelles chiites et tombé, sans faire de victimes, non loin d’un aéroport saoudien.

    Le message était clair : « Imaginez seulement qu’il ait pris pour cible l’aéroport de Washington ou de New York. Ou celui de Paris, Londres ou Berlin ? » (The New York Times, 14 décembre 2017).

    En 2003, l’administration Bush avait inventé de fausses preuves pour attaquer l’Irak, comme Colin Powell l’avait reconnu, dix ans plus tard, dans ses mémoires (J’ai eu de la chance, Odile Jacob, 2013).

    Aujourd’hui, son successeur au Département d’Etat se contente de multiplier par dix la portée réelle des missiles iraniens livrés aux houthistes.

    Pour, une fois de plus, « fabriquer la peur et justifier la guerre » comme l’écrit Serge Halimi dans le Monde diplomatique (n°766, janvier 2018) ?

    Seule chose certaine : pour l’administration Trump, l’option militaire ne peut être exclue d’aucun des dossiers diplomatiques sensibles traités par la Maison Blanche.

    Dans un article publié par le Wall Street Journal des 9 et 10 décembre derniers, le sénateur (républicain) de l’Arkansas, Tom Cotton, souvent cité pour remplacer Mike Pompeo à la tête de la CIA, listait ces dossiers par ordre d’importance : l’Iran, la Corée du Nord, la Chine, la Russie, la Syrie et l’Ukraine.

    Et il en concluait que le « danger iranien », supérieur selon lui au péril représenté par la Corée du Nord, ne pouvait être efficacement combattu que « par une campagne navale et aérienne de bombardement contre son infrastructure nucléaire ».

    En choisissant le territoire du malheureux Yémen comme base de départ de ses missiles vers l’Arabie Saoudite, Téhéran n’a, de son côté, rien fait – c’est le moins qu’on puisse dire – pour enrayer l’escalade voulue par Ryad et assumée par Washington.

    Pour aller plus loin :

    • Le Yémen, de l’Arabie heureuse à la guerre, par Laurent Bonnefoy, Fayard, 2017, 348 p. 23 euros ;
    • Ghassan Salamé, Les dilemmes d’un pays (trop) bien situé, dans Rémy Leveau, Franck Mermier et Udo Steinbach (sous la dir. de), Le Yémen contemporain, Karthala, 1999, 464 pages, 31 euros ;
    • Yémen : silence ! On massacre ! par Eric Dénécé, éditorial n° 47, août 2017, www.cf2r.org

    Source : http://notes-geopolitiques.com/

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  • Amusant ,interessant ,jamais indifferent .

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  • Boulot genial . L Art de l ephemere .

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  •  Depuis plusieurs décennies, d’étranges motifs circulaires apparaissent au fond de l’océan. Baptisées « crop circles », ces formations vont et viennent à leur gré, mais personne ne savait comment ils se formaient. Le coupable a enfin été identifié et pris sur le fait en vidéo.

    Des chercheurs ont annoncé avoir identifié le créateur des fameux « crop circles ». De drôles de motifs circulaires observés pour la première fois il y a plus de 15 ans dans les fonds marins. Grâce à une vraie mission d’observation, l’équipe s’est aperçue que ceux-ci étaient créés par un petit poisson-globe (le fugu japonais). D’après les chercheurs, ces petits poissons élaborent ces magnifiques dessins pour attirer leur partenaire durant la saison des amours.

    C’est en s’évertuant laborieusement à effleurer les fonds sableux de ses nageoires que le mâle parvient à créer ces motifs circulaires. Et bien qu’il dépasse difficilement les 12 cm de longueur, le poisson-globe parvient à mettre au point des schémas de plus de 2 mètres de diamètre. Mais une fois que le mâle a terminé son œuvre, il n’est pas encore au bout de ses peines ! En effet, c’est alors au tour de la femelle de venir inspecter les cercles.

    Si elle apprécie l’art, elle peut s’accoupler avec le mâle, explique Hiroshi Kawase, conservateur de l’Institut d’Histoire Naturelle à Chiba, au Japon.

    Source : maxisciences

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  • Du XVIIIème siècle à l’indépendance

    Vers 1715, trois familles de la tribu al-‘Utub, les al-Sabah, les al-Khalifa et les al-Jalahima, s’installent à Koweït, après avoir quitté le Nejd à la fin du XVIIème siècle et s’être arrêtées pendant une cinquantaine d’année à Qatar, dans la région de Zubara. Ces trois familles vivent du commerce et deviennent riches et influentes, si bien qu’elles renversent la tribu de Beni Khaled, qui régnait alors sur la région du Koweït. La famille al-Sabah prend progressivement le pouvoir, et le cheikh Abdallah Ibn Sabah, qui règne de 1764 à 1815, renforce la notoriété de Koweït. A partir de 1773, Koweït devient notamment une étape stratégique pour la Grande-Bretagne, tant pour l’acheminement du courrier que pour celui du commerce vers l’Inde. Au début du XIXème siècle, Koweït est confronté, comme les autres émirats du Golfe, aux Wahhabites qui occupent le littoral, mais Koweït résiste. L’intervention des Britanniques, soucieux de préserver la sécurité de la route des Indes, assure le calme dans la région en 1819. En 1815, à la mort du cheikh Abdallah, son fils Jabir lui succède jusqu’en 1859, puis le fils de ce dernier, Sabar jusqu’en 1866. Son fils Abdallah II lui succède jusqu’en 1892. Pendant le règne d’Abdallah, une campagne militaire est lancée par le gouverneur turc de Bagdad, aux côtés duquel le cheikh participe en offrant son aide militaire. Le gouverneur turc le remercie en lui donnant des terres à Bassorah, et notamment des palmeraies. Koweït se retrouve ainsi de façon très souple dans l’orbite du gouverneur ottoman de Bagdad.

    En 1892, à la mort d’Abdallah II, ses deux fils Muhammad et Jarrah gouvernent Koweït. Mais des divergences de vue apparaissent sur la politique interne du pays avec leur demi frère Moubarak. Celui-ci les assassine en 1896 et prend le pouvoir. Afin d’assurer sa sécurité et celle de Koweït, et afin de réduire l’autorité ottomane de Bagdad, Moubarak se tourne vers les Britanniques. Ces derniers, après avoir refusé, signent finalement avec le Koweït un traité secret de protection en 1899, pour des raisons géostratégiques, et notamment pour éviter l’entrée des Russes au Koweït, rivaux de la Grande-Bretagne dans la région. Ce traité entre en application en 1901 : l’armée britannique intervient à la suite de l’échec de l’armée du Koweït dans la bataille qui l’oppose à l’émir de Hayel soutenu par les Turcs. En 1904, les Britanniques installent un agent politique à Koweït. Koweït est alors à la fois sous protection britannique et sous suzeraineté ottomane.
    Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, le cheikh Moubarak suit les Britanniques dans leur lutte contre l’Empire ottoman. Il meurt en 1915 et est remplacé par son fils Jabir Ibn Moubarak, qui ne règne qu’un an, et qui s’illustre comme son père par son orientation politique pro-britannique. En revanche, sa politique en matière d’impôt et de commerce est plus souple. A sa mort en 1916, son frère Salim Ibn Moubarak, pro-turc, s’aliène les Britanniques par le soutien apporté aux Turcs pendant la guerre. Mais sa lutte contre les volontés expansionnistes des Saoudites en direction du Koweït vers 1920 l’oblige à solliciter l’intervention britannique. A sa mort en 1921, son neveu Ahmed Ibn Jabir lui succède et doit faire face aux problèmes territoriaux avec les Saoudites et l’Irak : sir Percy Cox, haut-commissaire britannique en Irak, règle les problèmes frontaliers par la conférence d’Ougayr en 1922. L’Irak obtient une partie du Nejd et Ibn Séoud reçoit une partie du Koweït.

     

     

    L’indépendance du Koweït

    Sur le plan politique, sous l’impulsion de familles de notables koweïtiens, le cheikh Ahmed Ibn Jabir signe en 1921 une charte mettant en place une assemblée consultative. Formée de 12 membres désignés, cette première assemblée est éphémère. Le nouveau cheikh est également confronté à des difficultés économiques dans les années 1930, ainsi qu’aux mauvaises relations avec l’Irak. En 1938, du pétrole est découvert à Burgan, mais son exploitation ne commence qu’en 1946, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Sur le plan constitutionnel, une nouvelle assemblée est organisée en juillet 1938, afin de moderniser le pays et de contrer les campagnes irakiennes hostiles au Koweït. Ses 14 membres, appartenant à l’élite koweïtienne, sont élus. Mais cette assemblée est dissoute en janvier 1939, en raison du déclenchement de la guerre et des orientations pro-irakiennes de certains de ses membres.
    En 1950, le cheikh Abdallah prend le pouvoir à la mort de son cousin Ahmed Ibn Jabir. Sous son règne, l’exploitation du pétrole se développe et la modernisation politique et économique du pays se poursuit. Répondant à la demande koweïtienne, la Grande-Bretagne accorde l’indépendance le 19 juin 1961. L’indépendance nouvelle du Koweït attise les convoitises de l’Irak : en juin, le président irakien Kassem, prenant pour prétexte le rattachement du Koweït à Bassorah pendant l’époque ottomane, revendique l’appartenance du Koweït à l’Irak et masse des troupes à la frontière. La Grande-Bretagne envoie alors des troupes le 1er juillet 1961 afin de porter secours au Koweït, faisant que l’Irak renonce à annexer le Koweït.

     

    Koweït de 1961 à nos jours

    En politique intérieure, quelque temps après l’indépendance, une constitution est élaborée. Une Assemblée constituante de 20 membres est élue le 30 décembre 1961, en charge de travailler sur le texte de la Constitution. Celle-ci est promulguée le 11 novembre 1962. Ses articles rappelle que le Koweït est un émirat héréditaire, que le pouvoir exécutif est confié aux descendants de l’émir Moubarak. L’émir nomme le Premier ministre et est assisté d’un Conseil des ministres. L’Assemblée nationale, composée de 50 députés élus au suffrage universel direct, détient le pouvoir législatif, qu’elle partage avec l’émir.
    En 1965, l’émir Abdallah meurt, et son frère Sabah prend le pouvoir jusqu’en 1978. Plusieurs élections législatives se déroulent : les premières en janvier 1963, suivies d’autres en 1967 où les nationalistes l’emportent, puis en 1971 et en 1975. En août 1976, l’Assemblée est dissoute, en raison des oppositions de certains à l’émir et à ses décisions. Sous l’émirat de Jabir, qui règne de 1978 à 2006, l’Assemblée est rétablie en 1981 à la suite des élections législatives, mais elle est à nouveau suspendue en 1986, en raison de la montée de l’opposition à la famille régnante.

    Cheikh Jaber al-Ahmad al-Sabah le 14 mars 1991 à son retour d’exil
    AFP

    En 1990, les revendications territoriales de l’Irak sur le Koweït se précisent : le Koweït est envahi le 2 août 1990 et la guerre du Golfe est déclenchée le 16 janvier 1991. Pendant la durée de la guerre, le gouvernement se réfugie à Taëf en Arabie Saoudite, et rentre au Koweït le 14 mars 1991. La guerre du Golfe laisse beaucoup de traces, tant sur le plan matériel, avec notamment la destruction des puits de pétrole, que sur le plan politique, avec les oppositions d’une partie de la société : la bourgeoisie koweïtienne demande à être plus intégrée au pouvoir. Dans ce contexte social troublé, des élections législatives sont organisées le 5 octobre 1992. Les deux tiers des sièges reviennent à l’opposition qui obtient l’entrée au gouvernement de six députés. L’opposition réclame une plus grande ouverture politique, un rôle accru de l’Assemblée, et une évolution du régime en monarchie constitutionnelle. Les décisions de la famille al-Sabah dans le domaine pétrolier contribuent aux tensions avec l’Assemblée. Le 14 avril 1994, le gouvernement est remanié afin de diminuer l’influence des islamistes, qui demandent une révision de la constitution et la mise en place de la loi islamique. En 1996, des élections législatives sont organisées le 7 octobre, et sont remportées par la majorité. Les mauvaises relations obligent cependant l’émir à dissoudre l’Assemblée en 1999 et en 2006. En 2005, les femmes accèdent au droit de vote.

    Cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah
    AFP

    En janvier 2006, cheikh Saad devient émir à la mort de cheik Jabir, mais l’Assemblée le destitue pour des problèmes de santé. Cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, à la demande du Parlement, devient le nouvel émir. De nouvelles élections parlementaires anticipées se déroulent le 29 juin 2006, mais les tensions demeurent vives entre le pouvoir politique et l’Assemblée, ainsi qu’entre les communautés sunnite et chiite. Ces tensions entrainent la démission du gouvernement de cheikh Nasser Mohammad al-Ahmad al-Sabah, neveu de l’émir, le 18 mars 2008, qui proteste contre l’intervention du Parlement dans ses activités. Le 19 mars, le cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah dissout le Parlement et annonce la tenue de nouvelles élections qui voient la montée des islamistes. A l’issue des élections, cheikh Nasser Mohammad al-Ahmad al-Sabah forme un nouveau gouvernement. La crise de mars est suivie par une nouvelle crise en novembre. Le 25 novembre, le Premier ministre et son gouvernement démissionnent en raison d’un différend politique. L’émir charge alors le Premier ministre sortant, cheikh Nasser Mohammad al-Ahmad al-Sabah, de former un nouveau gouvernement le 17 décembre. L’instabilité politique se poursuit en mars 2009, avec une nouvelle démission de cheikh Nasser Mohammad al-Ahmad al-Sabah le 16, opposé à des députés islamistes. Le 18 mars, l’émir dissout le Parlement et prépare des élections pour la mi mai. Les législatives du 16 mai voient le recul des islamistes ainsi que l’élection de 4 femmes parmi les 50 députés.

     

    Le pétrole et l’économie

    L’économie de Koweït est essentiellement basée sur l’exploitation du pétrole. Ses réserves (estimées à 8,1% pour 2008) situent Koweït à la quatrième place mondiale. En 1973, Koweït produit 3 millions de barils par jour, en 1980 la production est ralentie afin de ne pas surexploiter les ressources et tombe à 1,3 millions de barils par jour. En 2004, la production est de 2,3 millions de barils par jour. Elle est aujourd’hui de l’ordre de 2,6 millions de barils par jour (137,3 millions de tonnes par an). En 1991, Koweït ouvre la prospection pétrolifère aux investissements étrangers, dans le projet appelé Kuwait Project et se diversifie également dans le raffinage de pétrole. Trois usines raffinent 900 000 barils par jour. Koweït se spécialise également dans le transport de pétrole. Ses exportations, qui lui rapportent 64 milliards de dollars en 2008, se font principalement en direction des pays asiatiques.
    Après une période favorable dans les années 2000 consécutive à la hausse des prix du pétrole, Koweït est touché par la crise financière, en raison de la baisse des prix du pétrole et des pertes financières des banques, notamment la Gulf Bank qui annonce avoir perdu 1,3 milliard de dollars en octobre 2008.

     

    L’évolution de la société

    Tours, Koweït city
    iStockphoto

    Comme pour les autres Etats de la région, la société s’est transformée avec les revenus du pétrole. Elle se caractérise par la minorité des citoyens koweïtiens, qui représentent 35% de la population (population totale de 2,6 millions d’habitants). La majorité est constituée de population en provenance des Etats arabes (les Palestiniens arrivent au Koweït dès 1948, à la suite de la première guerre israélo-arabe, Libanais et Egyptiens) et de population en provenance d’Asie du sud-est arrivée dans les années 1980. Ces populations ont largement contribué au développement du pays.
    A l’issue de la guerre du Golfe, des représailles (arrestations et assassinats) s’exercent à l’encontre des Palestiniens, accusés d’avoir collaboré avec les Irakiens. Le but est de les contraindre à l’exil et seulement 5% des Palestiniens qui étaient au Koweït y restent.
    Les citoyens koweïtiens disposent de nombreuses aides de la part de l’État : gratuité scolaire, gratuité des soins de santé, prestations sociales. Les bénéfices liés au pétrole permettent en effet cette politique sociale.

     

    Les relations extérieures

    La menace irakienne oblige le Koweït à mener une politique extérieure active, afin de garantir sa sécurité. En juillet 1961, la demande du Koweït d’entrer à l’ONU, à la suite de son indépendance, est refusée par l’URSS, en soutien à l’Irak. En revanche, son entrée est acceptée dans la Ligue des États arabes le 20 juillet. A la suite de l’évolution régionale (fin du régime du général Qasim en février 1963 à la suite du coup d’État baassiste), l’URSS accepte l’entrée du Koweït à l’ONU le 14 mai 1963. Les relations se normalisent également avec l’Irak, qui reconnaît l’indépendance du Koweït le 14 octobre.
    A la suite de la consolidation de son indépendance, le Koweït s’implique dans la politique régionale, et plus particulièrement dans le règlement de la question palestinienne, mais aussi dans le règlement des conflits qui opposent les États du Golfe. Il s’implique aussi dans la réalisation de la fédération des États du Golfe, après l’annonce du retrait britannique en 1968. Enfin, il aide financièrement les États arabes par le Fonds koweïtien de développement économique arabe, créé en décembre 1961 et contribue dans les États du Golfe à la construction de mosquées, d’habitations, d’écoles et d’hôpitaux.
    A la suite de la guerre du Golfe, le Koweït, qui était partisan de l’arabisme et du non-alignement, se rapproche des puissances occidentales, sur lesquelles il s’appuie pour sa sécurité. Des contrats de ventes d’armes et des accords de sécurité sont notamment conclus entre le Koweït et les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Les liens sont particulièrement étroits avec les États-Unis : sur le plan diplomatique où le Koweït s’aligne sur les décisions américaines, sur le plan militaire avec la signature d’un pacte de défense en septembre 1991 renouvelé en 2001 et avec la présence de bases militaires américaines, et sur le plan économique avec le renforcement des échanges. La recherche de la sécurité restant une priorité pour le Koweït, diverses réunions s’organisent afin de parler de l’avenir de l’Irak : en février et en octobre 2006, en mai 2007 et le 22 avril 2008. Il n’en demeure pas moins que les relations diplomatiques reprennent entre les deux États : le 14 novembre 2007, le président irakien Jalal Talabani rencontre l’émir Sabah et le 17 juillet 2008 Ali al-Momen est nommé ambassadeur à Bagdad.
    Dans ses relations régionales, le Koweït assure la présidence du Conseil de coopération des États arabes du Golfe en 2004. Le 4 avril 2006, l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Qatar et Oman décident de créer un Conseil monétaire afin de mettre en place une monnaie commune en 2010. Le Koweït s’investit également avec ses voisins. A la suite de la guerre du Liban en juillet 2006, il l’aide financièrement à hauteur de 800 millions de dollars. Il entretient de bonnes relations avec l’Iran mais reste attentif au développement de son programme nucléaire. Concernant la Palestine, il soutient le président Mahmoud Abbas et condamne les attaques israéliennes contre Gaza en décembre 2008 et janvier 2009. La conférence de la Ligue des États arabes concernant la crise financière et la reconstruction de Gaza se tient au Koweït les 19 et 20 janvier 2009.

     

    Bibliographie

    Salem AL-JABIR AL-SABAH, Les Émirats du Golfe, histoire d’un peuple, Paris, Fayard, 1980, 261 pages.
    Philippe DROZ-VINCENT et Ghassan SALAME, « Koweït », Encyclopédie Universalis 2009.
    Le Monde, hors-série février-mars 2009, États du Golfe, la renaissance arabe, 98 pages.
    Site de la Documentation française, chronologie internationale, Moyen-Orient.
    Site du ministère des Affaires étrangères, Koweït, Présentation du Koweït.

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