• Pas loin de la realite Duchampesque !

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  • Said Rabia

    05 novembre 2018 à 1 h 25 min
     
     

    C’est entièrement surréaliste, cette histoire du 5e mandat. Entre l’image d’un chef d’Etat très malade, très fatigué et donc loin d’exercer les fonctions présidentielles – on n’a pas besoin de l’avis d’un médecin pour le constater – et les ambitions qu’on lui prête, il y a un océan d’incompréhension, une profonde consternation devant une situation kafkaïenne que le bon sens ne peut admettre.

     

     

    Aucun esprit en possession de toutes ses capacités de discernement, d’un minimum de logique, nourrissant un brin de patriotisme envers ce pays arraché au prix d’énormes sacrifices des mains du colonialisme ne peut admettre que Abdelaziz Bouteflika, dans l’état de santé qui est le sien, peut encore présider aux destinées de l’Algérie. Il faut être mentalement fou et intellectuellement amoindri pour accepter le plan de ceux qui ont tiré profit de son règne et qui veulent à tout prix rester au pouvoir. Si leur «projet» se réalise, on sera indéniablement dans une situation de coup de force, de coup d’Etat et de spoliation de la volonté populaire. Un acte en violation avec la Constitution, et politiquement immoral.

    Le président Bouteflika peut-il satisfaire aux exigences constitutionnelles de présentation d’un certificat médical délivré par des médecins assermentés attestant de ses capacités à assurer les fonctions de président de la République ? Bien évidemment non. Est-il à même de satisfaire à l’obligation qui impose que «les déclarations de candidature à la présidence de la République sont déposées par le candidat (…) auprès du secrétariat général du Conseil constitutionnel» ? Tous les Algériens peuvent bien constater que l’état de santé du chef de l’Etat ne le permet pas. Pourquoi alors veut-on imposer un 5e mandat à un Président qui a assurément cessé d’accomplir les tâches que lui confère la Constitution depuis bien longtemps ?

    «Le projet» des partis du pouvoir – le Front de libération nationale (FLN) mené par Ould Abbès, du Rassemblement national démocratique (RND) mené par l’actuel Premier ministre Ahmed Ouyahia – et ceux qui les soutiennent est techniquement irréalisable et surtout dangereux pour le pays, même s’ils prétendent le contraire en estimant que «la continuité et le maintien du président Bouteflika sont la seule voie qui garantisse la stabilité». Qui peut croire une telle niaiserie ? Un grave mépris à l’endroit des Algériens et une intolérable insulte à leur intelligence. Ces mêmes Algériens qui ont donné une grande leçon de conscience politique à travers un boycott massif et historique lors des dernières élections législatives.

    Plus conscients que ceux qui veulent les enfermer dans un mortel statut émaillé d’une succession d’échecs économiques qui maintiennent le pays dans la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures, incommensurable don de la nature, mais richesse aléatoire, et dans l’archaïsme politique qui cale l’Algérie dans un despotisme éhonté empêchant la régénération du personnel politique et entravant la mise en place d’une véritable gouvernance, moderne et respectant les grandes valeurs démocratiques. Au-delà des écueils juridico-politiques pour satisfaire aux exigences des lois du pays en matière de candidature, de répondre aux obligations qu’impose le processus de l’investiture, et l’immoralité d’imposer la candidature d’un Président sortant, empêché d’exercer ses pouvoirs par la maladie, a-t-on aussi pensé à l’après-élection présidentielle ?

    Quand on aura violé les lois, la Constitution et la morale politique, imposer le chef de l’Etat pour un 5e mandat, qu’adviendra-t-il  d’un pays qui aurait pu faire valoir ses atouts économiques et de sa jeune population et se placer parmi les nations les plus développées et les plus modernes ? L’Algérie se retrouvera assurément avec un Président absent et des centres de décision opaques et dilués et surtout avec le risque de rejouer les élections en raison de son incapacité avant les échéances de 2024. Qui a intérêt à aller dans cette direction ? Ceux qui sont dans une logique de pouvoir et non pas de construction.

    Note perso : No comments .

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  • Destin et Libre arbitre selon le Coran et en Islam



    Rien de plus présent dans le quotidien des musulmans que la représentation populaire du mektûb, littéralement : ce qui était écrit, c’est-à-dire de toute éternité par Dieu et qui sera inéluctablement réalisé sans que rien ni personne ne puisse s’y opposer, ce que l’on appelle communément le Destin.

    En théologie, ceci renvoie au concept dit al–qaḍâ’ wa al–qadar, selon lequel le terme qaḍâ’[i] désigne la prédétermination, somme des décisions divines préexistantes traduisant la prédestination de toute chose. Quant à lui, le terme qadar[ii] désigne le décret d’application à un moment donné d’un des points préalablement prédéterminés/qaḍâ’. Mais, le qadar représente aussi une intervention ou commandement/amr divin indépendamment du qaḍâ’, une action non programmée en quelque sorte. Il s’agit donc de l’irruption d’un ordre de Dieu dans notre réalité. En synthèse, selon ces définitions fournies par l’Islam : le qaḍâ/prédestination divine est de l’ordre de la prééternité, le qadar/Décret divin relève du cours présent des choses, l’ensemble représente le Destin et exprime l’Omnipotence ou Toute-puissance de Dieu.

    Or, pour un musulman, la compréhension de ces deux concepts est capitale, car il constate concrètement au quotidien qu’il est apparemment libre d’agir, en bien comme en mal, tout en ayant conscience de la Toute-puissance de Dieu et de la prédétermination divine telle que l’Islam l’a inculquée.

    En d’autres termes, comment concilier le libre arbitre/ikhtiyâr perceptible et la croyance en un déterminisme divin inexorable : le Destin ? Théologiquement, comment comprendre les notions de prédestination et de Jugement Dernier, car si nous n’avons pas de libre arbitre, si nous ne sommes pas responsables de nos actes, comment donc pourrions-nous être jugés équitablement pour nos actions, bonnes ou mauvaises ? Sans nul doute s’agit-il là d’un point d’achoppement majeur entre Foi et Raison,[iii] mais cette problématique est-elle coranique ou simplement le fruit doux-amer d’une élaboration théologique postérieure au Coran ? De fait, nous constaterons qu’en la matière ce conflit ne résulte pas du Coran lui-même, mais des interprétations générées par l’Islam.

    Que dit l’Islam ?

    Pour l’Islam, la croyance en la Prédétermination/al–qaḍâ’ et le Décret divin/al–qadar est un point de dogme obligatoire. Celle-ci est inscrite de facto dans le fameux hadîth dit de Gabriel qui définit l’architecture générale de l’Islam-religion, le passage concerné est le suivant : « Gabriel demanda au Prophète Muhammad : Informe-moi quant à la foi ? Et le Prophète de répondre : C’est croire en Dieu, Ses anges, Ses livres, Ses messagers, au Jour Dernier et au Décret divin/qadar, qu’il soit en bien ou en mal. »[iv] Nous avons déjà étudié de manière critique les autres points abordés en ce hadîth[v] et, ici, l’on note d’emblée que le credo de l’Islam comporte six points de dogme, le sixième étant « croire au Décret divin/qadar ».

    Or, le Coran s’est exprimé clairement quant au credo de la foi[vi] lequel ne comporte que les cinq premiers éléments cités en ce hadîth et aucun autre verset n’indique qu’un des articles de foi serait de croire à al–qaḍâ’ wa al–qadar ! En quoi le Prophète se serait-il donc permis d’ajouter ce point de dogme ? ! Cette différence due à l’Islam est parfaitement symptomatique de l’origine des divergences entre le Coran et l’Islam.[vii] Par ailleurs, nous remarquerons qu’en ce hadîth il est seulement fait mention de al–qadar, défaut qui est aisément enjambé par les traductions courantes qui rendent alors ce terme par la notion générale de destin : croire dans le destin, bon ou mauvais. Ce constat explique que certains théologiens aient eu à inverser les significations attribuées aux termes qaḍâ’ et qadar afin que ce dernier puisse globalement exprimer les deux concepts. Cette confusion terminologique explique que pour la majorité des théologiens ces deux termes soient au final synonymes… et justifie que pour le commun des croyants il s’agisse stout simplement de croire au Destin, le mektûb.

    – De tels flottements lexicaux sont en réalité les témoins d’une évolution conceptuelle inscrite dans l’Histoire de la genèse de l’Islam. En effet, comme si souvent en matière de religion, il est parfaitement établi que la réflexion initiale fut tout d’abord d’ordre politique. Face aux conflits internes pour la prise du pouvoir califal qui ravagèrent les musulmans durant le premier siècle, al–fitna al–kubrâ, la grande Discorde, se posa la question de la soumission au pouvoir quand bien même celui-ci est perçu comme illégitime et/ou tyrannique. Pour simplifier, trois lignes politico-théologiques se dessinèrent alors :

    – La première : les jabrites prônant l’acception politique des évènements au nom de l’absoluité du déterminisme contraignant/jabr de Dieu, ils appelèrent donc à la soumission au pouvoir en place. L’assimilation de l’image califale à celle de Dieu, le calife de Dieu des Omeyyades, est ici patente.

    – La seconde : les qadarites qui défendaient le libre arbitre/qadr[viii] et la capacité de décision de l’homme, laquelle pouvait l’amener à combattre les pouvoirs iniques en place.

    – La troisième : les murjites refusant de prendre parti politiquement et théologiquement, renvoyant/irjâ‘ l’affaire à Dieu.

    Par suite, lorsque le débat devint théologico-politique, et pour résumer à l’extrême, le sunnisme orthodoxe fut l’héritier des jabrites et soutint la prédestination divine absolue et, par conséquent, la légitimité de tout pouvoir, même injuste. De même, l’on peut considérer que le mutazilisme s’inscrivit dans la lignée apolitique de murjites, mais théologiquement dans celle des qadarites tenants du libre arbitre. À noter que chaque camp sut produire moult hadîths en faveur de sa propre cause tout comme interpréter de nombreux versets en faveur de ses thèses, nous y reviendrons.

    – Lorsque plus tard sous l’égide du ‘ilm al–kalâm le débat fut purement théologique, sous l’influence principalement du judaïsme et du christianisme le problème fut centré sur une explication de l’existence objectivable du bien et du mal sur terre. Fallait-il au nom de la Toute-puissance divine attribuer à Dieu la responsabilité des deux ou, fallait-il, au risque d’un dualisme plus ou moins non-avoué inférer à l’Homme ou au Shaytân la responsabilité du mal ? Les débats, longs et houleux, aboutirent pour l’orthodoxie à la théorie acharite dite de l’iktisâb.[ix] Comme bien des modus vivendi proposés par al Ash‘ari et son École, cette affirmation est aussi obscure que rationnellement indéfendable.

    Cependant, tel est grosso modo le point de vue de l’Islam lequel est du reste parfaitement exprimé en un très célèbre hadîth expliquant que c’est la force contraignante du Destin qui fera de tout un chacun un hôte de l’Enfer ou du Paradis.[x] Signalons que sous l’influence du salafisme actuel un autre compromis théologique est mis en avant à partir d’une interprétation de la théologie de Ibn Taymiyya : Dieu a prédéterminé l’existence de chacun, mais l’homme aurait la possibilité en acceptant le bien et en refusant le mal de repousser un destin (ici l’acte mauvais) par un autre (ici l’acte bon). Là encore, cette théorie est rationnellement peu compréhensible et ne peut que renvoyer aux termes du Hadîth dit de Gabriel : croire au Destin, bon ou mauvais. Au final, l’origine politique du concept théocentrique de al–qaḍâ’ wa al–qadar a abouti à l’expression théologique et religieuse d’un article de foi imposant au nom de l’indéniable Toute-puissance divine l’acceptation d’un destin personnel tout entier tracé par Dieu, espace de vie dans lequel le libre arbitre n’est en somme qu’une illusion.

    Que dit le Coran ?

    – Tout d’abord, cf. note 1 & 2, rappelons qu’aucun verset n’énonce la croyance à al–qaḍâ’/prédestination wa al–qadar/Décret. De plus, le terme-concept al–qaḍâ’ n’est pas employé par le Coran, il s’agit là d’un concept théologique forgé à partir de l’emploi du verbe coranique qaḍâ indiquant soit la prédétermination de toute éternité soit l’accomplissement en notre réalité d’un arrêt divin. De même, la forme déterminée al–qadar, qui ne doit pas être confondue avec al–qadr,[xi] est elle aussi absente du Coran. Ceci étant précisé, de nombreux versets ont été mis en jeu au service de l’institution sunnite de ce sixième point de dogme surajouté. Nous envisagerons donc les principaux en suivant la présentation des trois concepts en cause quant à notre problématique : al–qaḍâ’ ; al–qadar ; al ikhtiyâr.

    a– Al–qaḍâ’. Compris comme indiquant la prédéterminationprédestination absolue de tout acte humain, citons le verset suivant selon le sens courant : « c’est Dieu qui vous a créés, vous et ce que vous faites/ta‘malûna ».[xii] Argument maximaliste : Dieu serait donc le seul Agent en Sa création et l’Homme un simple exécutant. Cependant, ce verset n’est pas une sentence isolée et son contexte d’insertion ne relève en rien d’une théorisation sur le Destin. En effet, en ce passage ce n’est point Dieu qui parle, mais Abraham dont il est rapporté une polémique entre lui et les polythéistes de son peuple, vs83-99. Abraham leur reproche d’adorer des divinités dénuées de réalité et de tout pouvoir et leur fait observer la stupidité de leurs croyances : « Adorez-vous ce que vous sculptez vous-mêmes dans la pierre !  », v95, c’est-à-dire au lieu d’adorer Dieu votre créateur. Notre v96 se comprendrait donc comme suit : « alors que Dieu vous a créés ainsi que ce que vous avez fabriqué/ta‘malûna [c.-à-d. vos idoles de pierre] ».[xiii]

    Ce propos est d’évidence sans rapport avec la question théologique de la prédestination et donc aussi avec celle du libre arbitre qui serait ici prétendument rejeté. Malgré tout, si telle était la signification voulue, cela supposerait que Dieu s’attribue la fabrication de statues que par ailleurs Il rejette par la narration même de ce récit. Aussi, est-il plus cohérent de comprendre le segment wa mâ ta‘malûna ordinairement traduit avec la particule «  » prise comme pronom relatif : « et ce que vous fabriquez », en considérant que cette même particule «  » est ici interrogative ou exclamative, donc : « que faites-vous donc ? » ou « que faites-vous donc ! », d’où : « Adorez-vous ce que vous sculptez vous-mêmes dans la pierre alors que Dieu vous a créés ! Que faites-vous donc ! », vs95-96.

    Une autre locution coranique est régulièrement versée au dossier de la prédestination/al–qadâ’ : « mais vous ne voudrez que si Dieu veut », S81.V29, de même en S76.V30 et selon une légère variante en S74.V56. Là encore, cette expression est constamment citée pour affirmer la négation totale du libre arbitre et la destination absolue de tout ce que nous accomplissons. Si telle était la signification voulue, nous serions de fait des automates programmés et il n’y aurait aucun sens à ce que Dieu nous incite à agir, par exemple à faire le bien et combattre le mal ! Or, pour les trois versets cités, l’on remarque que le verset immédiatement antérieur appelle l’homme à faire justement un choix, celui du bon chemin ex. : « … Qui donc veut [verbe shâ’a] qu’il prenne un chemin vers son Seigneur », S76.V28. Cette capacité à décider reconnue à l’Homme est alors immédiatement suivie du complément suivant :  « mais vous ne voudrez [verbe shâ’a] que si Dieu veut [verbe shâ’a]  », v29. Si nous entendions cela selon le sens qui lui est attribué, une contradiction évidente serait générée : appel au libre arbitre et rappel de l’absolue emprise de Dieu sur nos propres actes ! Cette situation a rendu perplexes bien des exégètes, car du fait qu’ils croyaient à la totale prédestination divine ils ne pouvaient résoudre l’aporie qu’implique cette antinomie.

    La même formulation doit donc être comprise selon un degré conceptuel différent : si l’Homme dispose du libre arbitre : « qui donc veut qu’il prenne un chemin vers son Seigneur », v29, c’est qu’il possède la capacité de choisir, vouloir ; or cette faculté lui est ontologique et le distingue fondamentalement comme le montre le récit coranique relatif à l’Archétype Adam/Elle.[xiv] Aussi, le libre arbitre humain repose-t-il sur une volonté divine préexistante expliquant qu’il soit ici rappelé que « vous ne voulez [c.-à-d. de par votre capacité propre de décision] si ce n’est [illâ] que parce que [an] Dieu l’a voulu [c.-à-d. qu’Il a voulu antérieurement qu’il en soit ainsi par l’attribution qu’Il vous fit de cette capacité] », v30.[xv] Ainsi, disposition au libre arbitre de l’homme et prédétermination divine sont en cohérence. Les interprétations de ces versets-clef, toutes en faveur du déterminisme absolu/al–qadâ’ étant à présent déconstruites, il en est à priori de même pour l’ensemble des versets en apparence équivalents.

    b– Al–qadar. Compris comme indiquant le Décret divin/al–qadar, de nombreux énoncés coraniques expriment clairement ces interventions divines en notre réalité, ex. : « C’est ainsi, Dieu crée ce qu’Il veut et, lorsqu’Il décide d’une chose, il n’a qu’à dire à son propos : « Sois ! », et elle est. »[xvi] Indéniablement, il s’agit de la manifestation de la Toute-puissance de Dieu intervenant dans l’ordre de Sa création comme Il veut et quand Il veut. Cependant, cette irruption de la volonté de Dieu en notre réalité est à distinguer de la manifestation de Sa Toute-puissance par laquelle Il a créé les Mondes exprimée par al–qadâ’ ou Prédétermination : « La Louange est à Dieu qui créa les Cieux et la Terre et établit les ténèbres et la lumière… »[xvii] ;  « Il est Celui qui créa pour vous ce qui est sur Terre, tout. De même, Il exerça Son autorité sur les ciels et les harmonisa en sept Cieux ; Il est de toute chose savant. »[xviii] Deux niveaux d’intervention de Dieu sont donc à l’œuvre en notre réalité : la Toute-puissance créatrice principielle pré-temporelle/al–qaḍâ’ et la détermination temporelle/al-qadar, intervention ponctuelle de la volonté divine, du reste toutes deux exprimées en un même verset : « Concepteur des Cieux et de la Terre qui, lorsqu’Il décrète une chose, n’a qu’à dire : « Sois », et elle est ! »[xix]

    c– Al–ikhtiyâr. Compris comme indiquant le libre arbitre de l’Homme, il est indiscutable que nous trouvons dans le Coran des versets l’affirmant sans ambiguïté, ex. : « …tout être de ce qu’il accomplit est responsable. »[xx] ; « qui veut croit et qui veut dénie … »[xxi] Nous pouvons aussi lire ce passage : « Vraiment, nul ne portera le fardeau d’autrui, l’Homme n’obtient que ce à quoi il s’efforce et son effort sera examiné. »[xxii] Enfin, le verset pour nous le plus explicite et indiscutable est le suivant : « Il [l’homme] a réfléchi/fakkara et il a décidé/qaddar  ».[xxiii] L’Homme est donc libre d’agir et, logiquement, il est alors responsable de ses actes. Ceci a pour conséquence directe que les actions de l’Homme impactent le monde en lequel il vit : « La sédition est apparue sur terre et sur mer à cause de ce qu’ont accompli de leurs propres mains les hommes…»[xxiv] L’on en déduit donc directement qu’au sein de la création de Dieu il y a pour l’Homme un espace de vie et de liberté indépendamment de la gouvernance divine, c’est-à-dire ne relevant ni de la Prédétermination/al–qaḍâ’ ni du Décret/al–qadar. De même, l’on peut en conclure que le mal ici-bas ne vient pas de Dieu, mais des hommes, ce qui est clairement exprimé en ce verset : « Ce qui vous atteint comme malheur vient de ce qu’ont accompli vos propres mains, et Il passe sur beaucoup ! »[xxv] À titre complémentaire, nous pouvons lire l’explicite de ce verset : « En vérité, Dieu commande la justice, la bienfaisance et l’assistance aux proches et Il réprouve l’immoralité, le blâmable et l’excès. Il vous exhorte afin que vous vous en souveniez ! »[xxvi]

    Par ailleurs, l’on note qu’à l’image des versets cités, les références coraniques postulant du libre arbitre sont toujours contextuellement en lien avec le Jour du Jugement et/ou la question de la foi personnelle/al–îmân en tant qu’acceptation de la Foi ontologique ou de son déni/kufr.[xxvii] C’est qu’en effet la question du libre arbitre est fondamentale en regard du Jugement Dernier quand les hommes auront à rendre compte de leurs actes, finalité et sens de notre existence où le bien-agir et la foi sauvent et leurs contraires damnent. À partir de ces simples observations, il est tout à fait légitime de déclarer erroné l’énoncé du sixième point de croyance ajouté au credo coranique par l’Islam : « croire au Décret divin/qadar, qu’il soit en bien ou en mal ».

    Puisque l’homme dispose de son libre arbitre pour, justement, être responsable de ses actes au Jour du Jugement, il nous est à présent possible d’aborder le sujet sous l’aspect le plus central qu’il revêt : Dieu guide-t-Il qui Il veut et égare-t-Il qui Il veut ?

    Justice divine ou arbitraire divin ? Si nous avons traité la problématique d’amont, approches théologiques pures quant la Prédétermination/al–qaḍâ’ et le Décret/al–qadar, affirmer que selon le Coran « Dieu égare qui Il veut et guide qui Il veut » et « Dieu pardonne à qui Il veut et châtie qui Il veut »[xxviii] pose de manière cruciale la question de l’équité du Jugement Dernier. Comment, si nous ne disposons pas du libre arbitre, si nous ne sommes pas libres de nos actes, comment pourrions-nous être jugés pour ce qu’en réalité Dieu aurait de toute éternité imposé que nous commettions ? Comment, si Dieu châtie ou pardonne selon uniquement Son bon vouloir admettre un tel arbitraire ? Totalement tributaire de l’arbitraire divin, le croyant serait alors ballotté entre crainte [d’être égaré par Dieu] et espoir [d’être par Lui pardonné]. En toute logique, sa relation à Dieu ne serait qu’incertitude et angoisse ! Au juste, Dieu punirait-il celui qu’Il aurait guidé et pardonnerait-Il celui qu’Il aurait guidé ? !

    Afin de résoudre ce paradoxe et de rétablir la cohérence coranique, il suffit de comprendre différemment la locution type « Dieu guide qui Il veut » et ses équivalents. En effet, il est tout à fait possible de l’entendre comme suit : « Dieu guide qui veut », c’est-à-dire : Dieu guide celui qui veut, c.-à-d. aspire à ce qu’Il le guide. Ce renversement est grammaticalement sûr puisque, soit le pronom man/qui est complément, et alors Dieu est le sujet du verbe yashâ’u/Il veut et, en ce cas, l’on comprend : Dieu guide qui Il veut, soit le pronom relatif man/qui représente le sujet de ce même verbe yashâ’u/il veut, le sens est alors : Dieu guide qui veut, c’est-à-dire Dieu guide qui veut être guidé, qui le souhaite et l’espère de son Seigneur. Il ne s’agit point là d’une pure spéculation, car nous avons confirmation de cette lecture au segment suivant : « Dieu guide vers Lui qui y consent ».[xxix] À contexte égal, l’antithèse le vérifie aussi : « Ceux qui réfutent Nos signes sont sourds et muets, enténébrés. Qui veut, Dieu le laisse s’égarer et, qui veut, Il le met sur une voie de rectitude. »[xxx] L’on notera en ce verset l’antéposition à deux reprises du verbe yashâ’u/il veut, laquelle lève toute ambiguïté grammaticale.[xxxi]

    L’Homme se détermine donc lui-même,[xxxii] il peut nier les Signes de Dieu et alors Dieu le laisse libre de « s’égarer »,[xxxiii] comme il peut aussi accepter la seigneurialité divine et, subséquemment, Dieu lui indique la voie à suivre lui permettant de se bien-guider pour Le trouver : « Il le met sur une voie de rectitude ». Ainsi, n’est-ce point Dieu qui égare qui Il veut et, inversement, guide qui Il veut.[xxxiv] L’on ne peut donc supposer que la volonté de Dieu s’exercerait contre le libre arbitre des hommes au point qu’elle les égarerait, ce sont eux qui par eux-mêmes s’égarent et, logiquement, leur prétexte est parfaitement qualifié et à charge : « Vous ne suivez que spéculations et vous ne faites que conjecturer ».[xxxv] Logiquement, pour les formulations-clef précédemment citées : « Dieu égare qui Il veut et guide qui Il veut » et « Dieu pardonne à qui Il veut et châtie qui Il veut », le sens littéral[xxxvi] est le suivant : « Dieu égare qui veut [c.-à-d. celui qui refuse la guidée divine ] et Il guide qui veut [être par Lui guidé] » et « Dieu pardonne qui veut [être pardonné] et Il châtie qui veut [c.-à-d. celui qui de lui-même s’expose au châtiment divin] »

    En synthèse, la guidée n’incombe qu’à Dieu alors que le souhait d’être guidé relève de l’Homme. Tel est le sens téléologique de son libre arbitre, volonté décisionnelle autonome elle-même conséquence obligatoire du fait qu’il possède raison et conscience. Pour autant, rien ne pouvant être imposé à l’absolue indépendance de Dieu, et en particulier vis-à-vis de Sa créature, trois limites théologiques doivent être observées : – Premièrement, cela n’implique pas que Dieu obéisse en ce cas à l’Homme, mais que de par Sa Toute-miséricorde Il répond de principe à celui qui L’appelle,[xxxvii] et en cette clémence divine réside l’espoir de la foi. – Deuxièmement, rien n’exclut que Dieu puisse guider celui qui s’y refuse, et en cette Volonté divine réside l’espoir en la foi. – Troisièmement, Dieu ne guidera jamais la totalité des hommes, car cela serait contraire au fait même qu’ils disposent du libre arbitre et doivent nécessairement en user pour que le Jour du Jugement fasse sens en toute équité. Ceci justifie fondamentalement l’essentielle affirmation coranique suivante : « Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une unique communauté [de croyants] ».[xxxviii] En d’autres termes, une guidée universelle aurait été une contrainte exercée contre le libre arbitre de l’Homme. Au final, il apparaît évident que la justice au Jour du Jugement présuppose impérativement que l’Homme dispose du libre arbitre, ce précieux viatique lui sera nécessaire pour accomplir le voyage de sa vie.

    Conclusion

    Notre analyse littérale[xxxix] des versets régulièrement interprétés au service de la théologie officielle de la croyance au Destin, inexorablement tracé et imposé par Dieu, aura montré l’existence coranique de la Prédétermination/al–qaḍâ’, du Décret divin/al–qadar et du libre arbitre/al–ikhtiyâr sans pour autant valider les conceptions orthodoxes en la matière. Ainsi, explicitement, ceci implique que rien ne nous impose au nom de notre foi de croire à l’inéluctabilité absolue du Destin en tant que point de dogme obligatoire et tel que l’Islam le définit, mais sans que pour autant la notion de Destin soit absente du Coran. Ce faisant, nous sommes en mesure de lever les contradictions coraniques supposées entre ces trois domaines, contradictions dues en réalité aux interprétations opposées des diverses Écoles théologiques en cause. En effet, en précisant le champ d’action de chacun de ces trois concepts il nous est à présent possible de les articuler différemment tout en rétablissant la cohérence coranique sur le sujet :

    1- La Prédétermination/al–qaḍâ’ : ce terme, plus juste que celui de prédestination, désigne l’activité créatrice principielle pré-temporelle. Celle-ci concerne l’ensemble de la création physique des Mondes et la totalité des plans divins émanant de la Toute-puissance de Dieu. L’Homme n’a ici aucune prérogative et lui aussi est entièrement soumis à ce domaine, à ce titre : sa vie et sa mort.

    2- Le Décret divin/al–qadar : cette notion exprime l’irruption de la Toute-puissance dans l’ordre temporel établi. Ceci concerne soit l’application d’une chose prédéterminée de toute éternité, soit une intervention divine à tout moment et comme il Lui semble, y compris en transgressant les normes qu’il a Lui-même établies, il en est ainsi de la création de Jésus.[xl] Plus concrètement, il s’agit de l’action-manifestation de Dieu dans le cours de notre existence, décrets divins que nous ne pouvons ni éviter ni retarder.

    3- Le libre arbitre/al–ikhtiyâr : c’est la prérogative de l’Homme, et de lui seul. De par cette capacité liée au don de la langue, de la raison raisonnante et de la conscience de soi,[xli] l’Homme est à même et à charge de faire le bien comme il peut aussi accomplir le mal, ce pourquoi et par quoi il sera jugé équitablement au Jour Dernier. Nous avons vu que le mal sur terre provenait précisément de cette activité des hommes et non de Dieu et, de même, à moins que d’être à tort dualiste, cette observation élimine de facto toute la “théologie du Diable” si prégnante en Islam. Ce n’est point le Shaytân qui agit ici-bas, mais l’Homme en fonction de ce qui lui susurre et suggère la face obscure de son âme, ce que le Coran nomme symboliquement nos démons/shayâṭîn. Quoi qu’il en soit, l’Homme est totalement libre d’agir, de choisir ou de refuser, de croire ou de mécroire, de faire le bien ou le mal et, en cela, il n’accomplit rien d’un destin que Dieu lui aurait imposé.

    – Il est possible d’illustrer les interactions entre les trois niveaux ontologiques définis selon le Coran : la prédétermination/al–qaḍâ’, le Décret divin/al–qadar et le libre arbitre/al–ikhtiyâr, tous trois à l’œuvre en notre réalité et composant in fine ce que nous percevons être le Destin. Notre situation est donc celle d’un capitaine de vaisseau qui, quittant son port d’attache, décide de se rendre à telle destination. Ce faisant, il vogue sur l’océan créé par Dieu et, qui du fait de la Prédétermination divine/al–qaḍâ’ est navigable pour les hommes. En tant que seuls maîtres à bord, nous prenons l’ensemble des décisions, bonnes ou mauvaises, nécessaires à ce long voyage : vivres, choix du navire et de l’équipage, route maritime à suivre ; notre libre arbitre/ikhtiyâr joue à plein et l’ensemble de nos résolutions est de notre propre fait et relève de notre seule responsabilité.

    Cependant, la force changeante des courants marins, les vents favorables ou non, les tempêtes, les paramètres extérieurs en quelque sorte, ne relèvent pas de nos choix ou capacité. Ici c’est le Décret/al–qadar qui va influer sur notre destination, qu’il s’agisse de l’irruption d’un point prédéterminé de toute éternité/qaḍâ’ ou de la manifestation d’une volonté ponctuelle de Dieu/qadar. Il se peut ainsi que notre route ait été plus ou moins facilitée ou déviée, que nous ayons évité un danger ou, qu’au contraire, il nous ait atteint et, qu’à terme, nous parvenions à bon port ou non. Si nous arrivons à la destination que nous nous étions fixée, c’est que les trois niveaux d’interactions entre la Prédétermination/al–qaḍâ’, le Décret/qadar et notre libre arbitre/ikhtiyâr, le Destin en somme, auront concouru à la réalisation de notre projet personnel.

    Par contre, si nous avons à mouiller en un autre lieu que celui que nous avions prévu, alors c’est toujours les interactions composant notre Destin qui auront, cette fois, imposé une autre direction ou destination. Celle-ci, une fois atteinte, nous amènera à reprendre la mer pour de nouveaux horizons que nous ne soupçonnions point. Ainsi va notre vie sur le flot de notre Destin et au gré du vent de la Sagesse divine, sans que jamais nous n’ayons à nous départir de notre liberté et de l’obligation de diriger le vaisseau de notre existence et, au terme du voyage : Dieu.

    Dr al Ajamî

    Docteur en médecine, Docteur en Littérature et langue arabes, Islamologue coranologue, Théologien et spécialiste de l’exégèse du Coran. L’ensemble de nos recherches sur le Coran est publié sur le site Que dit vraiment le Coran ; Penser et vivre son islamité à la Lumière du Coran : https://www.alajami.fr/

     

     

    [i] Le terme qaḍâ’ n’est pas coranique. Il a été conceptualisé à partir des emplois dans le Coran du verbe qaḍâ signifiant déterminer, décider, prescrire, accomplir.

    [ii] Le terme qadar est lui aussi non-coranique. Il s’agit du nom d’action du verbe qadara lorsqu’il signifie être puissant, décréter et réaliser une chose.

    [iii] Pour l’article Foi et Raison, voir :   https://www.alajami.fr/index.php/2018/04/20/foi-et-raison-2/

    [iv] Hadîth rapporté par Muslim.

    [v] Cf. Islam/islâm, Foi/îmân, Perfection/iḥsân, selon le Coran et en Islam : https://www.alajami.fr/index.php/2018/01/23/islam-islam-foi-iman-perfection-ihsan-selon-le-coran-et-en-islam/

    [vi] Cf. S2.V285 et S4.V136.

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  • L’historien américain Matthew Connelly souligne la victoire politique de la guerre de libération algérienne

     

    «Un Diên Biên Phu diplomatique»

     

     03 novembre 2018 à 0 h 07 min

    L’historien affirme que «ce n’est pas la France qui a donné son indépendance à l’Algérie, mais l’Algérie qui a donné son indépendance à la France».

     La victoire de Juillet 1962 fut-elle militaire ou politique ? 56 années après l’indépendance, cette question demeure posée et les manuels d’histoire d’ici et d’outre-mer se perdent entre les récits des uns et l’occultation de ceux des autres.

     Le regard neuf et neutre d’un chercheur en histoire américain apporte pourtant l’affirmation que certains n’osent pas pour ne pas rapetisser l’image tant imprégnée à l’imaginaire collectif du miracle de la victoire d’une poignée de moudjahidine armés de fusils et de quelques grenades contre la cinquième puissance militaire mondiale. Matthew Connelly est formel : la victoire de l’Algérie fut sans conteste diplomatique et médiatique.

     Dans son livre L’arme secrète du FLN : comment de Gaulle a perdu la guerre, l’historien américain et en se basant sur les archives et documents de différentes sources (française, algérienne et américaine), confirme que la bataille militaire, et même si elle a été marquée par des récits de bravoure sans égale, n’a pas eu raison de l’armada française.

     Le versant politique de la Guerre de Libération, avec la création du GPRA et toutes les actions diplomatiques entreprises pour faire connaître la justesse de la lutte de libération des Algériens, a été le véritable terrain sur lequel la France a capitulé.

     «Quand je parle de cette guerre en France, je suis frappé par la manière dont elle est perçue ou vécue comme un drame national, un traumatisme… et que c’est la France qui a donné son indépendance à l’Algérie… Ici, en Algérie, et dès leur jeune âge, les Algériens apprennent que le peuple a chassé la France par la force des armes», explique, stupéfait, Matthew Connelly en notant que l’aspect diplomatique a été décisif et pourtant on n’en parle pas beaucoup.

     

    Présent au Salon du Livre d’Alger et lors d’une conférence animée jeudi dernier sur l’apport diplomatique à la Guerre de Libération, Matthew Connelly estime que tout a commencé avec le génie d’une personne en 1948, lorsque Hocine Aït Ahmed rédigea le rapport de Zeddine qui fut la base de la stratégie de la guerre menée par les Algériens pour venir à bout de l’occupation française et soulignait déjà à cette époque l’importance de mener une campagne internationale.

    «La stratégie de Hocine Aït Ahmed devient la stratégie du FLN»

     «Aït Ahmed avait conclu dans son rapport qu’aucun autre peuple n’avait été confronté à tant d’obstacles pour parvenir à son indépendance. Proximité de la métropole, terrains exposés pour les attaques aériennes…, mais surtout nul n’a eu à affronter une population de colons aussi nombreuse et aussi puissante politiquement. Aït Ahmed a mis au point une grande stratégie, incluant les finances, la logistique, l’armement, la propagande et la politique étrangère. Il soutenait que la politique étrangère devait être indépendante et éminemment flexible.

     

    Il invitait les patriotes à chercher l’équilibre entre l’Orient et l’Occident, exploiter à la fois la guerre froide, les rivalités et compétitions commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe. La grande stratégie de Hocine Aït Ahmed est devenue la stratégie du FLN à la fois sur le plan de la lutte interne et externe. La Proclamation du 1er Novembre déclarait trois objectifs externes allant dans le même sillage que le rapport de Hocine Aït Ahmed», soutient l’universitaire américain.

     L’hôte du SILA ajoute que la Révolution a bien su profiter de la tension franco-américaine née de la défaite de la France en Indochine. «En novembre 1954, le Premier ministre français de l’époque a demandé un appui au secrétaire d’Etat américain, John Foster Dulles, qui lui a répondu que ça pourrait être pire que l’Indochine, notamment pour les rapport franco-américains, et que ça pourrait même être un problème plus grave auquel seront confrontées les relations franco-américaines et que cela pourrait toucher et même faire éclater l’OTAN…

     

    La Guerre de Libération a rendu les français obsédés par le risque de diviser les alliés», indique l’historien en notant qu’Aït Ahmed avait bien compris cela et en octobre 1955 il se rendit à New York à l’Assemblée générale des Nations unies et a persuadé une majorité des membres pour aborder la question algérienne. Ceci a provoqué la colère de la délégation française qui sortit de la salle et fit grève pendant un mois, ce qui fut bien sûr une très belle promotion et publicité pour la cause algérienne.

    «Les campagnes militaire et diplomatique se renforcent mutuellement. Bien entendu de nombreux facteurs ont déterminé l’efficacité des rebelles, mais le FLN et pendant la puissance de ses actions armés entre 1956 et 1957 a décidé de donner la priorité à la campagne internationale. Le FLN a lancé la bataille d’Alger non pas pour gagner le contrôle d’Alger mais pour gagner la bataille de New York, c’est-à-dire le combat à l’Assemblée générale de l’ONU.

     

    Abane Ramdane a expliqué d’ailleurs cette décision dans une directive générale de 1956 : ”Les frères savent que notre infériorité vis-à-vis de l’armée coloniale en nombre et en matériel ne nous permet pas de remporter de grandes et décisives victoires militaires.

     Vaut-il mieux pour notre cause tuer des dizaines dans les lits de rivière à Tlaghma et dont personne ne parlera ou bien on le fait sur Alger et la presse américaine en parlera le lendemain ?”», rappelle à la mémoire le conférencier en notant qu’à New York les Algériens misent sur les conférences de presse, dénoncent les atteintes aux droits de l’homme, utilisent des images pour dénoncer les crimes coloniaux.

     La France tente d’y faire face en usant de vastes campagnes aux Etats-Unis dépeignant même la guerre féroce contre les moudjahidine comme «une croisade», un «choc des civilisations». Mais les efforts du colonisateur furent vains devant l’efficacité de la campagne algérienne et surtout devant le recul du soutien économique américain.

     

    «L’Algérie a donné son indépendance à la France»

     

    La France fit face à un «Diên Biên Phu diplomatique», note Connelly en soulignant que le FLN a réussi en créant le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). «Ce fut un phénomène entièrement nouveau que de créer un gouvernement représentant le peuple algérien sans même avoir libérer une partie du territoire», indique l’historien avant de montrer des graffs présentant le déclin des actions militaires sur le terrain et la perte des moyens militaires pendant que l’action diplomatique battait son plein à l’international.

    «Quand la lutte armée était en déclin, ils ont accès sur les actions diplomatiques…De Gaulle fut obsédé par l’impact de cette guerre sur l’image de la France et sur l’aide américaine. Sans conteste, la victoire du FLN a été gagnée sur la scène internationale. Ce n’est pas la France qui a donné son indépendance à l’Algérie, mais l’Algérie qui a donné son indépendance à la France», assène Connelly.

     

    Le conférencier américain tient aussi à axer sur l’impact de la guerre de la révolution diplomatique sur les relations internationales dans les années 1950 et 1960. «La crise de Suez était une conséquence de la Guerre de Libération algérienne. La question algérienne a même eu un impact aux Etats-Unis et l’élection de Kennedy.

    Elle a fait sortir la France de l’OTAN. Elle a su utiliser la guerre froide pour rallier différents soutiens. De plus, ce fut une révolution médiatique, où l’image et les journalistes ont joué un grand rôle… Je suis frappé par la grande signification universelle que cette guerre a provoquée… Les Algériens ont montré comment les idées peuvent être plus fortes que les armes, comment la victoire est possible par la force des idées.»  

    Source : https://www.elwatan.com/edition/actualite/un-dien-bien-phu-diplomatique-03-11-2018

     

    L Art supreme de la guerre est de briser les resistances de l ennemi et le soumettre sans combat . L'Art de la Guerre . Sun Tzu

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  • L’imposture de l’art contemporain

    Publié le 15 Avril 2017

     

    L’imposture de l’art contemporain
    Les expositions d'art contemporain restent incompréhensibles pour les non initiés. Mais cet élitisme bourgeois masque en réalité la vacuité d'un art creux sous emballage marketing.
     

     L’art contemporain peut susciter le scepticisme d’un public non avertit. Toute forme d’objet peut devenir artistique si le monde de l’art nous le présente comme tel. La créativité n’exprime plus rien et l’art contemporain semble se contenter d’un nombrilisme superficiel. Deux universitaires, Alain Troyas et Valérie Arrault, analysent ce phénomène dans le livre Du narcissisme de l’art contemporain.

     « Et souvent, n’importe quoi se fait avec pas grand-chose et même presque rien et il arrive que ce soit rien du tout, et même avec moins que rien », ironisent Alain Troyas et Valérie Arrault. Le monde de l’art se veut tolérant et refuse toute forme de critères de jugement ni même la moindre critique. Le modèle fordiste, paternaliste et autoritaire, est remplacé. Après la contestation des années 1968, Eve Chiapello et Luc Boltanski observent l’émergence d’un Nouvel esprit du capitalisme. Une société ouverte, flexible, mobile et permissive est valorisée.

     L’art se conforme à cette évolution du capitalisme. N’importe quel objet ennuyeux ou insipide peut être présenté comme artistique à travers la rhétorique du marketing culturel à coups de textes, de théories et de publicité.

     

     Vide et banalité

     

    L’art minimaliste et conceptuel s’est imposé. Cette culture du vide délaisse les vieux idéaux pour valoriser les caprices et l’égotisme. Un art détaché du monde congédie les vieilles avant-gardes artistiques, notamment les surréalistes. « Du point de vue culturel, il était inéluctable que dans ce climat général d’inquiétude et de dépression, de déboires et de peur, on se détournât des engagements collectifs liés aux utopies rationalistes et de leurs missionnaires en voie de faillite accélérée dans le monde de l’art », décrivent Alain Troyas et Valérie Arrault. Les utopies et les conflits sont alors congédiés par les artistes.

     

    L’art contemporain valorise la banalité. Les actes du quotidien ne s’inscrivent pas dans un sens collectif ou historique. Ils sont ramenés à leur superficialité prosaïque. L’art valorise le narcissisme qui « ne se caractérise pas par des images grandioses ou agressives comme défense contre l’anxiété ou la culpabilité de n’être point conforme au modèle imposé par le pouvoir social, mais par l’introjection du neutre et de l’anodin », déplorent Alain Troyas et Valérie Arrault.

     

     

    Fluxus et le pop art se développent après la seconde guerre mondiale. Cette créativité ludique se distingue du mouvement Dada qui émerge au début du siècle. Pour l’art contemporain les grandes utopies sont dépassées. L’ordinaire, le futile et l’insignifiant sont au contraire valorisés. « Signes vides d’idéaux utopiques, ils ne renvoient qu’à la marchandise et au statut social », analysent Alain Troyas et Valérie Arrault.

     Les objets du pop art ne disent pas plus que les objets qu’ils représentent. Planche de palissade, boîte de conserve, bouteilles de Coca-Cola, drapeau états-unien, publicités deviennent des œuvres d’art. Les déchets de la société de consommation sont les sources d’inspiration. « Pas de politique, pas d’idéal, pas de jugement de valeur sur quoi que ce soit », observent Alain Troyas et Valérie Arrault. L’art se contente d’une auto-satisfaction sans recherche d’originalité.

     Le pop art émerge dans le contexte de la contestation des années 1968 mais aussi des luttes afro-américaines. Mais cette dimension politique reste évacuée. « Le pop art, c’est le rêve américain aux hormones, aseptisé et castré, refoulant la face sombre et fragmentée des conflits de classe qui menancent l’ordre marchand », soulignent Alain Troyas et Valérie Arrault.

     

    L’imposture de l’art contemporain

    Absurdité et vulgarité

     Dada et le surréalisme se distinguent de l’art contemporain. Leur utilisation de l’absurde vise à dynamiter les valeurs de l’ordre social. Le non-sens et la fantaisie alimente la créativité artistique. Ces mouvements « étaient animés par cette volonté de libérer les tabous sur l’amour et la politique, tels que l’administraient les dominants », analysent Alain Troyas et Valérie Arrault. L’absurde permet de détruire l’idéologie et les intérêts des capitalistes. L’absurde démasque les hypocrisies et les censures qui répriment les désirs. Au contraire, l’absurdité de l’art contemporain se soumet à la logique du capitalisme libéral.

     Les artistes valorisent désormais l’absurde pour son insignifiance et son absence d’enjeu. Ils n’attaquent plus l’ordre capitaliste mais se contentent de simples jeux de mots, d’improbabilités sémantiques et d’histoires sans finalité.

     L’art contemporain valorise l’exhibitionnisme et la nudité. Mais cette spectacularisation de l’intime permet de masquer la décadence de la politique. Le narcissisme et le voyeurisme priment sur la pudeur. Les émissions de télé-réalité comme Loft storyConfessions intimes ou L’île de la tentation montrent la vie amoureuse et sexuelle d’inconnus. L’art contemporain valorise également le déchet, le scatologique et le morbide.

     

    L’imposture de l’art contemporain

    Critique de l’art contemporain

     Le livre d’Alain Troyas et Valérie Arrault permet de décortiquer l’imposture de l’art contemporain. Le culte de la subjectivité permet de masquer le vide de cette culture avant tout destinée à la bourgeoisie. La découverte de galeries d’art laisse très souvent un goût amer. C’est l’entre soi culturel qui s’admire lui-même. C’est un petit monde avec ses propres codes indéchiffrables pour le commun des mortels, un élitisme auto-centrée et superficiel.

    Mais Alain Troyas et Valérie Arrault tentent de se démarquer de la critique réactionnaire de l’art contemporain. Pour cela, la critique s’attache à restituer le contexte historique du capitalisme libéral. Mais les universitaires s’attachent davantage à des élucubrations freudiennes plutôt qu’à développer une analyse de classe. Il semble important de préciser que l’art contemporain demeure un important marché et que ses produits restent avant tout destinés à la bourgeoisie cultivée.

    C’est sans doute ce qui permet d’expliquer la médiocrité des artistes. Cette classe sociale vit dans un confort bourgeois et ne subit pas de problèmes sociaux. Les artistes et leur public peuvent alors difficilement se révolter contre un ordre social qui les valorise. La transgression ne peut être que superficielle et uniquement esthétique. Au contraire, la bohème artistique et notamment le mouvement Dada subissent bien souvent la misère et vivent souvent dans les quartiers ouvriers. Leur transgression vise logiquement à attaquer l’ordre capitaliste et dépasse la simple démarche esthétique.

     Alain Troyas et Valérie Arrault peuvent glisser dans la fange réactionnaire à travers leur référence constante à la culture « libérale libertaire ». Le terme est inventé par le stalinien Michel Clouscard et repris par des idéologues réactionnaires comme Jean-Claude Michéa. L’expression peut effectivement désigner la culture de cette bourgeoisie et petite bourgeoisie intellectuelle qui colonise les centres urbains. Mais le « libéralisme libertaire », tout comme la dénonciation du « narcissisme » peut également permettre de dénoncer les libertés individuelles pour mieux défendre les valeurs traditionnelles : travail, famille, patrie.

    Alain Troyas et Valérie Arrault tiennent à se démarquer de tout retour vers un passé idéalisé avec le modèle du chevalet et de l’art traditionnel. L’apologie des contraintes, de l’ordre, des limites contre la révolte libertaire des années 1968 peut alimenter l’ambiguïté. Il semble important de valoriser la créativité artistique et de lui donner un sens politique. Le mouvement Dada a permis de dynamiter les carcans de l’ordre moral pour s’inscrire dans une utopie révolutionnaire. Cette démarche ludique et politique doit se réactiver.

     Source : Alain Troyas et Valérie Arrault, Du narcissisme de l’art contemporain, L’échappée, 2017

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