• Peinture a l huile .Mohamed Aib.Janvier 2019.

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  • La pensée politique de Mustafa Kémal Atatürk et le mouvement réformiste en Algérie avant et après la seconde guerre mondiale

     

    Il semble que tout sépare Abdelhamîd Ibn Bâdîs, le chef du mouvement réformiste en Algérie et Mustafa Kémal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne. Le premier fonde son action sur une rénovation de la pensée religieuse. Le second écarte la pensée religieuse pour rénover la pensée politique.
    Or, en rapprochant les idées exprimées par l’un et l’autre, on est surpris de relever une relative convergence des points de vue, même s’il y a incontestablement une limite que ne franchiront pas les réformistes qui, tout en apportant leur soutien à l’action du leader turc, contrairement à la majorité de l’élite religieuse égyptienne du Caire ou marocaine de Fès, n’adhèrent pas aveuglément à toute sa politique.
    C’est à partir des idées exprimées sur les questions du Califat et de la laïcité, qui ont quelque peu secoué le monde musulman au cours des premières décennies du XXème siècle, que nous essaierons de comprendre la démarche de chacun de ces deux hommes au niveau de leur pensée politique et religieuse respective tout en observant l’interaction entre le religieux et le politique à l’épreuve du nationalisme en situation coloniale et en quoi Ibn Bâdîs et Atatürk se rapprochent et sur quoi ils se séparent.


    Il peut paraître quelque peu surprenant de tenter de rapprocher deux systèmes de pensée aussi opposés l’un de l’autre comme pouvaient l’être celui de Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), connu pour avoir aboli le Califat en 1924, institution représentant temporel de l’Islam, et introduit la laïcité comme principe d’organisation de la vie publique en Turquie, et celui soutenant le mouvement réformiste en Algérie, fondé par Abdelhamid Ibn Bâdîs (1889-1940), théologien formé à l’Université religieuse de la Zaytuna à Tunis même s’il a réellement œuvré en vue de libérer l’Islam des scories léguées par des siècles de décadence intellectuelle, continuant en cela l’œuvre initiée notamment par Djamal Eddin Al-Afghânî et Muhammad ‘Abduh en Orient arabe. Or, cette mise en rapport des pensées exprimées par ces deux personnages n’est pas sans surprise. En effet, et bien qu’œuvrant dans des champs et dans des contextes différents, quelques similitudes liées au fait que la Turquie et l’Algérie vivaient au cours des premières décades du XXème siècle une situation socio-politique quelque peu semblable par certains aspects, et l’appartenance à une même aire culturelle, expliquent en partie la relative convergence des points de vue entre le chef militaire et politique turc et le leader religieux algérien ainsi que les critiques exprimées par ce dernier envers ses homologues égyptiens de l’Université cairote d’Al Azhar notamment, qui manifestaient leur opposition aux réformes d’Atatürk.

    Certes les Algériens du début du XXème siècle étaient connus pour leur turcophilie, mais ce rapport sentimental ne peut, à lui seul, expliquer l’« alliance objective » entre l’élite républicaine et laïque turque et l’élite religieuse et intellectuelle algérienne. En effet, les sentiments d’admiration n’étaient pas exclusifs des Algériens, mais ce qui différenciait ces derniers des autres sociétés musulmanes, tant au Maghreb (et notamment au Maroc où le kémalisme soulève un scandale horrifié pour reprendre une expression de Jacques Berque dans Le Maghreb entre deux guerres) qu’au Machreq, c’est cette unanimité de toutes les catégories sociales en faveur d’Atatürk, y compris des religieux (à l’exception de quelques milieux maraboutiques mis d’ailleurs à l’index pour leur défaut de solidarité avec le peuple turc) alors qu’en Egypte notamment, les milieux azhariens ne manquaient aucune occasion pour manifester leur hostilité à l’égard du personnage, accusé de « destructeur du monde musulman et de propagateur des méfaits de l’Occident ».

    3En fait, l’attitude des Algériens et celle notamment des réformistes avec à leur tête Ibn Bâdîs, trouve son explication dans le contexte de domination coloniale que vivait le pays à l’époque et à leurs réactions aux sentiments d’hostilité et de méfiance des milieux français d’Algérie envers la Turquie (à cause de son alliance avec l’Allemagne au cours de la première guerre mondiale) et envers Atatürk dont le nationalisme n’était pas pour plaire aux colons. Mais si le nationalisme pouvait unir les Algériens dans leur enthousiasme en faveur de Mustafa Kemal, le général qui a vaincu des armées européennes, en était-il de même pour autant lorsque le militaire devient un homme politique et que certaines de ses décisions concernent des domaines considérés à tort ou à raison comme relevant du religieux et donc insusceptibles d’être gérés par les hommes selon leur propre volonté. Cette admiration unanime en faveur du leader turc allait-elle être battue en brèche, notamment par les milieux réformistes dont l’action repose sur le religieux, à cause justement des incursions des kémalistes dans ce domaine. De toutes les décisions prises par Atatürk, deux ont certainement provoqué le plus de réactions dans le monde musulman et notamment au niveau de ses élites religieuses. Ce sont celles relatives à l’abolition du Califat et à l’introduction de la laïcité comme principe d’organisation et de fonctionnement des institutions publiques turques. Quelle a été la réaction des réformistes algériens ?

    4Cette question est à situer dans le cadre de la conception de l’Islam en général que se faisaient Atatürk, en tant que responsable politique en Turquie et Ibn Bâdîs, en tant que responsable du mouvement réformiste en Algérie. A ce sujet, les propos tenus ou écrits par les deux personnages montrent une convergence des points de vue qui doit être soulignée. En effet, Atatürk n’a jamais attaqué l’Islam en tant que religion et les Musulmans en tant que fidèles de cette foi, mais à certaines de ses manifestations superstitieuses et archaïques. Cette conception de l’Islam était justement celle prônée par les Réformistes. Ibn Bâdîs critique la religion populaire et notamment son expression maraboutique. Pour sa réflexion sur les questions de la raison et de la foi, il s’appuie sur un rationalisme pragmatique et c’est en ce sens que les réformistes algériens se retrouvent en harmonie avec la pensée d’Atatürk. Ces derniers n’ont donc pas vu en ce dernier un adversaire acharné de l’Islam et tout comme lui, ils ne voulaient plus que cette religion soit prise en main par des ignorants et de faux dévots maintenant ainsi la société musulmane en dehors du monde développé et civilisé. Si Mustafa Kemal s’attaquait aux derviches en Turquie, Ibn Bâdîs et son mouvement menaient une même lutte contre les marabouts en Algérie. Un combat commun était donc mené par l’un et par l’autre contre l’ignorance, l’obscurantisme et la religion comprise sans intelligence.

    5Cette convergence dans la conception de la religion par les deux personnages se retrouve également sur une question qui a longtemps occupé, au moins, l’élite des sociétés de tradition musulmane et provoqué des réactions opposées en son sein. C’est celle du Califat abordée et résolue par Atatürk au cours de la mise en place des organes institutionnels en Turquie. Malgré son contenu symbolique fort pour les Musulmans, le leader turc a intelligemment exploité les événements pour abolir cette institution aussi vieille que l’Islam lui-même et avec lequel elle semblait se confondre. Les officiels de l’Université d’Al Azhar au Caire condamnent sans appel Atatürk et tous ceux qui soutiennent que le pouvoir politique peut s’exercer en dehors de la sphère religieuse, mais en Algérie Ibn Bâdîs soutient la décision d’Atatürk. Pour le théologien algérien, cette institution est devenue fantomatique et docile aux influences étrangères. Tout comme Atatürk qui la considère comme « un mythe du passé qui n’a plus sa place dans le monde contemporain », Ibn Bâdîs la qualifie de « chimère » et de « pseudo-califat » (khilâfa zâ’ifa) tout comme il reproche « aux milieux panislamistes d’Orient leur inaptitude à voir le vrai problème et leur propension à se perdre en discussions oiseuses et en vaines attaques contre le régime de Mustafa Kemal » (A. Mérad). Il va même jusqu’à déclarer que « les véritables adversaires de l’Islam sont le Calife et les chefs des confréries religieuses » et ne manque pas d’ajouter que « sa sympathie va pour les Turcs honorables…et non pour ceux qui baissent la tête…ceux-là ne méritent pas mon attention, dit-il, qu’ils soient Calife ou Cheikh al-Islâm ». Atatürk trouve donc un défenseur inattendu en la personne d’Ibn Bâdîs, mais si cette prise de position exprime une conviction profonde et certaine, elle n’en est pas moins innocente. Elle est une réponse, non pas seulement aux tenants d’une orthodoxie mal comprise, mais aussi aux réactions des colons français d’Algérie qui se présentaient en défenseurs de l’Islam et du Califat pour mieux combattre en fait les idées nationalistes d’Atatürk qui enthousiasmaient alors la population algérienne. En effet, les journaux proches des milieux coloniaux n’hésitaient pas à écrire : » …les kémalistes entendent faire du Calife une sorte de fantoche sans droits ni pouvoirs, élu et révocable à leur gré. Nous doutons fort que les fidèles de l’Islam qui vivent hors des frontières de la Turquie soient satisfaits de cette profanation accomplie par un parti où figurent des Musulmans affiliés à des sectes athées. » Il est clair que cette déclaration s’adressait avant tout aux Algériens, mais ces derniers ne pouvaient être trompés et la fausse indignation des colons français ne provoque aucune réaction des Musulmans sur cette question qui, à tort ou à raison, s’étaient déjà forgé une opinion quant à la politique musulmane de la France en Algérie. Ibn Bâdîs veut montrer d’autre part qu’il ne croit plus aux mouvements panislamistes romantiques et irréalistes encore en vogue dans certaines régions du monde musulman et dans certains milieux. Entre Atatürk et Ibn Bâdîs, il y a totale convergence des points de vue sur la question du Califat même si les raisons ne sont pas identiques. Ibn Bâdîs soutient également Atatürk au sujet de la traduction du Coran en turc ainsi que lors de son offensive contre le « clergé » et les « turûq » et même à propos de l’abrogation de la législation ottomane d’inspiration musulmane (école hanéfite). En est-il de même à propos de la laïcité ?

    6L’idée de séparer le religieux du politique apparaît dans le discours politique turc dès 1930 et est consacrée juridiquement après la révision de la Constitution de 1924 par la loi du 5 février 1937. En Turquie, la laïcité « ne signifie absolument pas absence de religion, ou la volonté de son absence…L’exercice du culte…est garanti par la Constitution. Un citoyen qui est religieux par conviction personnelle, peut très bien…être sincèrement laïque » ( Déclaration du Secrétaire Général du Parti). Telle est la conception que se font les kémalistes de la laïcité qui se veut donc être une culture qui s’appuie sur une démarche intellectuelle qui ne remet pas en cause fondamentalement la philosophie liée à la foi, mais qui permet de déterminer les compétences respectives des institutions civiles et politiques et éviter les empiétements et par là même les conflits avec le religieux qui peut avoir sa place au niveau sociétal, mais plus au niveau des institutions publiques et de leur gestion.

    7Ce modèle de gestion des affaires publiques modifie la nature des rapports entre l’individu et l’institution étatique qui n’est plus religieuse, mais politique (au sens premier du terme) car l’être humain ne se situe plus en fonction de son appartenance communautaire en tant que croyant (Umma), mais par rapport à une appartenance nationale et donc en tant que citoyen.

    8En Algérie, certains hommes politiques comme Ferhat Abbâs prennent acte de l’expérience turque et s’appuient sur elle pour affirmer « que la foi islamique n’est pas inconciliable avec les nécessités sociales du monde moderne ». Les réformistes, de leur côté, ne refusent pas l’idée de la République, même pensée dans le cadre de la philosophie propre à la Révolution française, ce qui les rapproche donc de Mustafa Kemal Atatürk qui affirme s’inspirer de cette même Révolution. « La démocratie turque a suivi la voie ouverte par la Révolution française » déclare-t-il en effet. De même pour Ibn Bâdîs, l’expérience historique française n’est fondamentalement pas rejetée. Il écrit de son côté : « … Nous mènerons notre tâche avec le soutien de la France démocratique, cette France qui a répandu les lumières de sa civilisation sur toute la Terre… » (Journal Al-Muntaqid, n° 1). L’œuvre d’Atatürk apparaît donc comme ayant une fonction légitimante aux yeux des Algériens en général et des réformistes en particulier dans la mesure où elle met en pratique dans un pays de tradition islamique des idées et des institutions étrangères à la doctrine et à l’histoire politique des sociétés musulmanes, tout en les expurgeant de leur contenu symbolique exclusivement européen et en les isolant du contexte de domination coloniale.

    9Mais la démarche républicaine peut entraîner la mise en œuvre d’un certain nombre de principes parmi lesquels celui de la laïcité. Or, pour de nombreux Musulmans dans le monde, la laïcité est non seulement comprise comme une attitude antireligieuse, mais est en outre considérée comme l’instrument utilisé par l’Occident pour mettre en péril toute la Communauté musulmane. Aussi, est-il intéressant de tenter l’analyse du point de vue des réformistes algériens sur cette question.

    10Ibn Bâdîs et son mouvement semblent accepter la logique qui sous-tend l’organisation de la société moderne. Les idées de progrès, de promotion sociale et intellectuelle se rencontrent souvent dans les écrits des principaux dirigeants réformistes, mais l’utilisation de ces termes signifie-t-elle pour autant l’adoption de la laïcité comme principe d’organisation de la société au niveau de ses institutions publiques ? En fait il y a lieu de noter que cette idée n’est pas totalement étrangère aux Algériens au moins au niveau de leurs élites, mais la législation française sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat (loi de 1905) n’est pas appliquée en Algérie (malgré le décret de 1907) pour ce qui est de l’Islam alors que les cultes chrétiens et israélite en bénéficient. Aussi l’Emir Khaled, petit-fils de l’Emir Abdelkader demande-t-il en 1924 au Président français Herriot l’application des dispositions de cette loi en Algérie. Sa requête reste sans suite. En 1947, le statut de l’Algérie réaffirme ce principe (article 56) mais l’Administration coloniale continue de nier ce droit aux Musulmans d’Algérie. Le mouvement réformiste à son tour, et bien qu’à vocation religieuse, est amené à faire sienne cette revendication. Le Cheikh Mohamed Bashîr al-Ibrâhimî (1889-1965) qui a succédé à Ibn Bâdîs à la tête du mouvement réformiste demande l’application des lois relatives à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, entre autres écrits, dans un article intitulé : « Les droits que la nation algérienne demande à la nation française ». Emanant de théologiens, la démarche peut paraître paradoxale, mais le contexte socio-politique et l’absence de clergé au sens de l’Eglise romaine en Islam expliquent l’attitude des réformistes et à travers eux de toute la société musulmane d’Algérie en faveur de la séparation. Aussi, il se pose la question de savoir s’il s’agit d’une revendication ayant pour seul objectif concret de bénéficier d’une autonomie dans l’exercice du culte musulman ou s’il s’agit réellement de la manifestation d’une adhésion doctrinale à la laïcité ?

    11Parmi les écrits consacrés à cette question, relevons ceux du Cheikh Larbî Tebessî (1895-1957) qui a été vice-président de l’Association des Ulémas Musulmans Algériens, le cadre légal au sein duquel activait le mouvement réformiste fondé par Ibn Bâdîs. Le Cheikh Larbî Tebessî publie ses articles dans le journal al-Basâ’ir au début des années cinquante au moment où la question de la séparation de la religion et de l’Etat est débattue à l’Assemblée algérienne. Les interventions du Cheikh ne se veulent pas théoriques mais s’inscrivent, comme ceux d’al-Ibrâhimî, dans le cadre du droit de la communauté musulmane d’Algérie à être traitée aussi démocratiquement et avec autant de libertés que les autres communautés religieuses et ont donc pour objectif de lever le contrôle de l’Administration coloniale sur l’activité des mosquées et des associations religieuses animées par les Musulmans. Néanmoins et contrairement au Cheikh al-Ibrâhimî qui dévoilera son opinion profonde sur cette question en déclarant que » l’Islam est à la fois religion et politique…et que le savant en sciences religieuses qui n’est pas au fait de la politique et qui n’est pas militant n’est pas un (véritable) savant…(car) si le savant en sciences religieuses se détourne de la politique, qui (donc) s’en occupera ? » dans un mémoire adressé aux autorités égyptiennes, à al-Azhar et à la Ligue arabe en 1953, les écrits du Cheikh Tébessî sont plus élaborés et soulèvent la question de savoir si celui-ci n’avait pas un point de vue plus nuancé sur cette question. En effet, l’auteur ne se limite pas à rappeler le droit en vigueur pour justifier la demande de « la séparation entre la religion et l’Etat » (fasl al-dîn ‘an al-dawla) mais développe son raisonnement sur la base d’arguments à caractère historique à partir de ce qu’il sait sur l’organisation des pouvoirs publics en Algérie d’avant l’invasion coloniale. « …En Algérie, écrit-il, il y avait deux institutions, l’une symbolisait le pouvoir temporel (ramz li-dunyâ) et était représentée par le Dey et la seconde symbolisait le pouvoir spirituel (ramz li-dîn) et était représentée par le Cheikh al-Islâm, le Qâdî, le Muftî et les Docteurs de la Loi musulmane (‘Ulamâ’ al-Islâm) ». A cette description des institutions, le Cheikh Tébessî ajoute un commentaire au sujet de leur fonctionnement : « …chacune d’elles avait son domaine de compétence (dâ’irat ikhtisâs) » et ainsi selon le Cheikh Larbî Tebessî « l’Islâm avait sa propre organisation autonome (munaddama mustaqilla) avant la colonisation ». L’auteur tente ainsi de démontrer qu’en Algérie, durant la période ottomane et donc avant même la loi française de 1905 sur la séparation, il se pratiquait en fait non seulement une distinction entre le sacré et le profane, mais même une séparation des pouvoirs

    12Cette démonstration quelque peu surprenante ne manque pas d’audace d’autant qu’il écrit aussi dans un autre article que la séparation entre le religieux et le politique est certes commandée par « …le Droit, l’équité, le respect des religions… », mais que « tout retard mis à l’application du principe de séparation est une atteinte à la shari‘a islamique ». Ce n’est donc plus en vertu du seul principe posé par la loi française de 1905 que l’indépendance du culte est demandée mais aussi en vertu des principes du Droit musulman lui-même. Pour cet auteur, il y a convergence des Droits français et musulman sur cette question de la séparation entre le politique et le religieux et qu’il y a lieu donc de les appliquer pour « mettre réellement en œuvre la notion de laïcité au sein de l’Etat (tahqîq ma‘na al-lâ’ikiyya) ».

    13De tels propos laissent penser que l’auteur adhère à la laïcité comme principe d’organisation des pouvoirs publics. Or en réalité, il n’y souscrit qu’autant qu’elle permet de soustraire les Musulmans algériens de la tutelle de l’Administration coloniale. Larbî Tébessî montre qu’il reste fondamentalement attaché au principe théorique de la non distinction entre sacré et profane propre à la conception du Droit islamique concernant l’organisation des institutions étatiques lorsqu’il déclare, en répondant à ceux qui s’opposent à la séparation, qu’en Algérie « le pouvoir musulman n’a plus d’existence », ce qui signifie donc clairement que c’est seulement dans le cadre d’un pouvoir musulman que la laïcité n’a pas de place. Ce qui peut paraître contradictoire dans cette attitude ne l’est pas en réalité car comme l’affirme Pierre Rondot « tout Musulman est laïque », mais pas dans le sens qu’a ce terme dans le contexte historico-culturel propre à la société française. C’est pourquoi aussi, la revendication de la laïcité en Algérie est accompagnée d’une demande d’une justice musulmane indépendante du système judiciaire français tant au niveau organisationnel qu’au niveau du droit applicable car dans la conception islamique, les normes juridiques (shari‘a et fiqh) appartiennent au domaine du sacré.

    14Ainsi, tout le combat mené par les réformistes en Algérie au sujet de l’application de la loi de 1905 sur la séparation est à situer dans le contexte de l’époque et avait pour but de soustraire la population musulmane du contrôle du pouvoir colonial au moins au niveau cultuel et juridique et ne se situait nullement dans la perspective d’une mise en œuvre d’une laïcité idéologiquement adoptée en tant que doctrine d’organisation des pouvoirs publics. Avec la question de la laïcité apparaît ainsi la limite entre les idées prônées par Atatürk et celles des réformistes algériens à propos du modernisme à introduire dans la société de tradition islamique et qui fait que le soutien apporté à l’action du leader turc ne signifie pas pour autant adhésion aveugle à toute sa politique. Il n’en demeure pas moins que les réformistes algériens ont compris et admis les objectifs que s’assignait Atatürk pour son pays et c’est pourquoi ils ne se sont jamais permis de le condamner comme le feront la plupart des institutions religieuses du monde musulman. Ibn Bâdîs, après avoir pris résolument le parti d’Atatürk contre les milieux azhariens du Caire écrira au moment de son décès : « Que Dieu soit miséricordieux pour Mustafa Kemal ! Qu’il fasse pencher la balance de ses œuvres et qu’il l’agrée, pour ses mérites, au nombre des Bienfaisants ! ». Un tel éloge émanant d’un théologien qui a marqué son époque en Algérie et qui bénéficiait d’un très grand prestige auprès de toute la population est significatif du respect et de l’admiration dont bénéficiait Atatürk au sein des réformistes en particulier et de l’ensemble de la population algérienne en général.

    Nahas Mohamed Mahieddine

    Juriste, enseignant à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques / Directeur du Centre de Recherche et d’Information Documentaire en Sciences Sociales et Humaines – CRIDSSH- Université d’Oran.

     

     

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  • L’ABC des élections truquées

     

    Jean-Simon Gagné
     Source : https://www.ledroit.com/actualites/politique/labc-des-elections-truquees-0026596c65f661655f43ea7726097cc3  . Le Soleil
     
    Le scandale entourant le détournement de millions de comptes de Facebook ramène la manipulation électorale au cœur de l’actualité. Mais les tricheurs n’ont jamais manqué d’imagination. Pour le prouver, Le Soleil vous offre L’ABC des élections truquées. Un voyage inquiétant dans l’univers de la petite et de la grande fraude électorale.

    A comme Abdel Fattah al-Sissi

    Le président égyptien est efficace. Trop peut-être? À la veille des élections de 2018, il était le seul candidat en lice. Mais au dernier moment, Monsieur a eu un doute. Un seul candidat, cela fait mauvais genre. Alors il s’est déniché un adversaire taillé sur mesure, qui avait déjà annoncé qu’il voterait en sa faveur! L’honneur était sauf! Mais avec des adversaires semblables, le président a-t-il besoin d’amis?

     

     

    B comme Blague de l’époque soviétique

    «Hier soir, un cambriolage scandaleux a été commis dans les locaux du Ministère de l’Intérieur. Après s’être introduits sur les lieux, les voleurs ont dérobé les urnes contenant le résultat des élections. En raison de cet acte de sabotage, les élections ne pourront pas avoir lieu demain, comme prévu...»

    C comme Cambridge Analytica

    Quel rôle a joué Cambridge Analytica dans l’élection de Donald Trump et dans la victoire du Brexit, en Grande-Bretagne? Difficile à dire. À partir de 2016, l’entreprise a détourné des données sur 87 millions d’utilisateurs de Facebook. Elle pouvait ainsi les bombarder avec des infos ciblées, qui jouaient souvent avec les peurs. L’ancien directeur, Alexander Nix, résumait ainsi sa philosophie : «Les choses n’ont pas besoin d’être vraies, du moment qu’elles sont crues.» (voir W comme Christopher Willie)

     

     

    D comme «Dirty Tricks»

    Dans un livre intitulé Comment truquer une élection [1], un ancien organisateur politique américain racontait ses coups bas. Son truc préféré consistait à mobiliser une petite armée d’employés qui téléphonaient aux électeurs en plein milieu de la nuit, en se faisant passer pour l’équipe adverse.

    E comme encre sympathique

    En Ukraine, les élections de novembre 2004 se déroulent dans un climat tendu. Le favori, Viktor Iouchtchenko, a été défiguré par un poison. Le jour du scrutin, des inconnus distribuent aux électeurs des stylos à l’encre sympathique, qui disparaît au bout de quelques heures! Au moment de compiler les votes, on constate un grand nombre de bulletins blancs.

     

     

    F comme Floride

    La Floride fait partie des 12 états américains qui retirent le droit de voter à ceux qui commettent un acte criminel. La plupart ne le récupèrent jamais, même après avoir purgé leur peine. Aujourd’hui, plus de 1,5 million de citoyens sont privés de leur droit de vote. Il s’agit en majorité de pauvres, de Noirs ou de Latino-Américains, des catégories d’électeurs généralement plus favorables aux démocrates.

    G comme Gerrymandering

    Le redécoupage malhonnête des circonscriptions électorales est ainsi résumé par la chaîne de télévision CNN. «Supposons que vous êtes républicain et que vous devez répartir 25 électeurs démocrates et 25 électeurs républicains, dans cinq circonscriptions. […] Allez-vous les répartir équitablement? Bien sûr que non. Sinon, vous aurez cinq élections chaudement disputées. Il vaut mieux entasser les 25 démocrates dans la même circonscription et répartir les 25 républicains dans celles qui restent. Bien sûr, vous allez perdre la circonscription qui contient les 25 démocrates. Mais vous remporterez les autres, ce qui vous garantit une majorité de 4 contre un!»

    H comme Hongrie

    Depuis 2010, le président hongrois Viktor Orban a réduit l’indépendance de la Justice. Il a mis au pas la télévision d’état. Et juste au cas où le bon peuple finirait par se lasser, il a redessiné la carte électorale. Comme par hasard, les circonscriptions qui ont un penchant pour l’opposition comptent en moyenne 5000 électeurs de plus que celles qui ont tendance à choisir le pouvoir. (voir G comme Gerrymandering) 

    I comme Imagination

    On a beau dire, mais le trucage électoral exige beaucoup d’imagination. En 2007, au Nigeria, les fraudeurs ont manqué d’inspiration, à force d’ajouter des milliers de noms fictifs sur les listes électorales. Les observateurs commencèrent à se douter de quelque chose lorsqu’ils remarquèrent des noms comme Nelson Mandela, Mike Tyson et Mohamed Ali.

    J comme Kim Jong-un

    En 2014, le leader de la Corée du Nord, Kim Jong-un réussit l’exploit rarissime de recueillir 100 % des suffrages. Il est vrai que sur le bulletin de vote, il n’y a qu’une seule case. De plus, en l’absence d’isoloir, tout le monde observe l’électeur. Et si ce dernier décide quand même d’annuler son vote, il doit déposer son bulletin dans une autre boîte de scrutin! 

    K comme Kennedy

    John F. Kennedy fait partie des présidents les plus admirés. On oublie qu’il est élu dans la controverse, le 8 novembre 1960. Dans une circonscription du Texas, il recueille 6138 votes. Le problème, c’est qu’on y trouve seulement 4895 électeurs! Plus tard, le président préfère en rire. «Mon père m’a dit de ne pas acheter un vote de plus que le strict nécessaire, dira-t-il. Il ne voulait pas gaspiller d’argent rien que pour obtenir un raz de marée.»

     

     

    L comme Les bons amis

    «Deux amis vont voter, le jour des élections.

    Soudain, le premier confie à l’autre. “Assez discuté. Nous allons voter pour des candidats différents. Nos votes vont s’annuler. Pourquoi ne pas déclarer un match nul et retourner à la maison?”

    L’autre est d’accord. Les amis se donnent la main et ils rentrent chez eux.

    Sur le chemin du retour, un passant interpelle celui qui a proposé le match nul.

    — J’ai tout entendu, dit-il sur un ton admiratif. Votre amitié est exemplaire.

    Le gars sourit d’un air gêné.

    Pas vraiment. Cet après-midi, c’est le troisième que j’empêche de voter.»

    M comme candidat miroir

    Aux élections de l’an 2000, à Saint-Pétersbourg, la mairie veut se débarrasser d’un certain Oleg Sergeyev, jugé un peu trop honnête. Rien de plus facile. On déniche deux autres Oleg Sergeyev qui posent leur candidature dans le même district. Comme la photo des candidats n’apparaît pas sur le bulletin de vote, les électeurs ne peuvent pas les différencier. À la fin, tous les Oleg Sergeyev ont subi la défaite… [2]

    N comme Niger

    Rien de pire que des partisans zélés qui en font trop. Parlez-en au président du Niger, Mahamadou Issoufou. Aux élections de 2013, celui qu’on surnomme «le lion» a récolté plus de 103 % des votes dans deux provinces. Prudent, il n’a pas exigé un recomptage…

    O comme Oups!

    À l’approche des élections de 2013, le président de l’Azerbaijan, Ilam Aliyev, promet la transparence. Les électeurs vont même pouvoir suivre le dépouillement des votes en temps réel, à partir de leur téléphone. Sauf que la Commission électorale leur expédie par erreur les résultats… un jour AVANT le scrutin. La réélection du président est ainsi confirmée avec un score de 73 %. Pas grave. Le lendemain, les élections se déroulent comme prévu. Le président en profite pour améliorer son résultat, avec 85 % des suffrages. Au deuxième essai, c’est plus facile…

    P comme Psychologue

    Après les élections présidentielles de 2006, le biélorusse Alexandre Loukachenko a diminué son score, pour avoir l’air plus crédible. «J’ai donné des ordres pour que les résultats soient inférieurs à 93 %, autour de 80 %, a-t-il confié au quotidien russe Izvestia. Parce que lorsque tu obtiens plus de 90 %, c’est dur à accepter psychologiquement.»

    Q comme Québec

    Le trucage des élections n’est pas seulement l’affaire de pays lointains. En 2013, devant la Commission Charbonneau, l’organisateur politique Gilles Cloutier se vante d’avoir organisé des élections «clé en main» pour des maires de la région de Montréal. En échange de contrats, Monsieur s’occupe de tout. Financement. Organisation. Communication. Il dépose aussi un petit chocolat sur l’oreiller.

    R comme Robo­calls

    Au Canada, lors de la campagne électorale de 2011, des milliers de Canadiens reçoivent de faux appels automatisés d’Élections Canada qui les dirigent vers des bureaux de vote imaginaires. Un seul coupable est retracé, grâce à un téléphone enregistré au nom de Pierre Poutine, dans la région de Joliette.

     

     

    S comme Andrés Sepúlveda

    C’était le roi des pirates informatiques. Durant des années, le Colombien Andrés Sepúlveda multipliait les coups bas pour de nombreux politiciens, notamment en Colombie, au Mexique et au Venezuela. Au faîte de sa gloire, il se vantait de contrôler 30 000 faux comptes Twitter et Facebook, qui colportaient n’importe quelle rumeur. Emprisonné en Colombie, Sepúlveda ne regrette rien. «Quand je me suis rendu compte que les gens croyaient davantage ce qui se dit sur Internet que la réalité, j’ai découvert que j’avais le pouvoir de faire croire aux gens ce que je voulais.»

    T comme Taux de participation

    Les résultats mirobolants ne valent rien si la participation électorale reste anémique. Lors des élections de 2018, Vladimir Poutine ne visait pas seulement un score de 70 %. Il voulait aussi une participation de 70 %. En résumé, si le résultat électoral vous sert de ceinture, le taux de participation élevée tient lieu de bretelles.

     

     

    U comme bourrages des urnes

    Le bourrage des urnes avec des faux bulletins constitue un classique. Mais les élections présidentielles du Liberia, en 1927, méritent une mention spéciale. Un certain Charles D. B. King est alors élu avec 234 000 votes. Un exploit, quand on sait que le pays ne compte alors que 15 000 électeurs inscrits.

    V comme Vote

    Combien vaut un vote? Pour le savoir, un Sherbrookois a mis aux enchères son vote sur eBay, en décembre 2005. Avant que la transaction ne soit interrompue, la mise avait atteint 7,25 $US.

    W comme Christopher Willie

    Le lanceur d’alerte Christopher Willie était le directeur de recherche de la société Cambridge Analytica. Il est au cœur du scandale sur le détournement des données de Facebook et de Google. «Sans Cambridge Analytica, il n’y aurait pas eu de Brexit», a-t-il déclaré au quotidien Libération. (voir C comme Cambridge Analytica)

    X comme «Où as-tu mis ton X?»

    Acheter le vote d’un électeur, c’est bien joli. Mais qui vous garantit qu’il tient parole? Au Mexique, en 2012, les organisateurs véreux voulaient des preuves! Pour être payé, l’électeur devait montrer une photo de son bulletin de vote dûment rempli. Ou alors, on lui fournissait un bulletin déjà rempli, qu’il devait déposer dans l’urne. Pour toucher sa récompense, il devait rapporter un bulletin vierge.

    Y comme Umaru Yar’Adua

    En 2007, Umaru Yar’Adua est élu président du Nigeria, au terme d’une élection classée parmi «les pires de l’histoire». Plus de 30 000 bureaux de scrutin n’existent pas, ce qui n’empêche pas des millions d’électeurs fictifs d’y voter.

    Z comme Zimbabwe

    À la veille de chaque élection, l’ancien président du Zimbabwe, Robert Mugabe, sortait un truc de son sac à malice. En 2013, 116 195 électeurs âgés de plus de 100 ans apparaissent soudain sur les listes électorales.

     

     

    Sources

    • 1. How to Rig an Election : Confessions of a Republican Operative, Allen Rayond, Simon and Schuster, 2008.
    • 2. How to Rig an Election, Nic Cheeseman et Brian Klaas, Yale University Press, 2018.
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  • On parle beaucoup de Simone Biles, multiple championne olympique, mais c'est une autre gymnaste américaine, son ex-rivale Katelyn Ohashi, qui fait parler d'elle depuis samedi. Auréolée d'un dix sur dix pour sa prestation phénoménale lors d'une compétition organisée par l'Université de Californie de Los Angeles (UCLA) samedi dernier, l'étudiante de 21 ans a vu sa vidéo faire le tour du monde. Plus de vingt millions de personnes ont visionné sa performance parfaite au sol, mêlant mouvements de danse, éléments gymniques et communion avec le public.

    Source : https://www.ledauphine.com/sport/2019/01/15/la-performance-magistrale-de-katelyn-ohashi-enflamme-le-web

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