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Nos Justes
Nos Justes à nous : quand Jean-Paul Sartre hébergeait Mamar Kaci, cadre du FLN, recherché par toutes les polices de France Par M.A. Boumendil
Dans la série « Colonialisme et guerre d’Algérie : nos Justes à nous », nous évoquerons, aujourd’hui, Jean Paul Sartre, le célèbre philosophe et écrivain français, qui a marqué son siècle et les esprits en refusant le Prix Nobel, mais aussi et surtout, en se tenant toujours aux côtés des causes justes et des peuples opprimés, à commencer par les Algériens et leur quête d’indépendance et de liberté.
Est-il besoin de traiter ici de l’œuvre monumentale de Jean-Paul Sartre ? Leader incontesté du courant philosophique existentialiste et écrivain prolifique, ses œuvres, universellement connues et reconnues, ont été récompensées par le Prix Nobel de littérature, qu’il a refusé, estimant, qu’il n’est pas juste de « consacrer un homme de son vivant. »
Essais philosophiques (L’être et le néant), nouvelles (Le mur), romans (La nausée, Les chemins de la liberté), théâtre (Les mains sales, Huis-clos, Les mouches, Les séquestrés d’Altona, La putain respectueuse, Les mouches…), ne sont qu’une partie de son œuvre gigantesque, à côté de nombreux écrits engagés, publiés notamment dans la revue Les temps modernes, qu’il a fondée lui-même immédiatement après la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945.
Il a été de toutes les manifestations en faveur de l’indépendance du peuple algérien, il a signé de nombreuses tribunes dans ce sens, et il compte parmi ses amis et relations les intellectuels les plus engagés pour la cause algérienne, à l’instar de Francis Jeanson dit « le porteur de valises » du FLN.
La guerre qu’il engagea avec son ancien ami Albert Camus, lui aussi Prix Nobel de littérature et fils Belcourt (Belouizdad actuellement), à propos de la question algérienne, consacrera leur séparation et restera dans les annales de l’histoire : Jean Paul Sartre était pour l’indépendance pure et simple de l’Algérie, tandis que Camus plaidait pour la citoyenneté française pleine et entière des Algériens.
Mais, mieux que cela, il n’a pas hésité à courir des risques physiques, mettant sa liberté et même sa vie en danger, comme en témoigne le plastiquage, à deux reprises, de son appartement parisien par les ultras de l’OAS (Organisation armée secrète, adepte de la politique de la terre brûlée pour maintenir l’Algérie française).
Pour illustrer l’engagement sans faille de l’immense philosophe et écrivain, voici le témoignage inédit d’un cadre de la Fédération de France du FLN, qui était alors un agent opérationnel de haut niveau, fiché dans tous les commissariats et recherché par toutes les polices de France :
« J’étais un opérationnel au service direct de la direction de la Fédération de France du FLN. En tant que tel, j’ai été amené à remplir des missions dangereuses et à mener des actions que seuls justifient les enjeux et la noblesse de notre combat. Aussi, vers la fin 1959, les services français ont fini par me repérer et m’identifier. Recherché activement par tous les services de police parisiens et à travers tout le territoire français, je n’ai pu leur échapper que grâce à Jean Paul Sartre, avec la complicité de sa compagne Simone de Beauvoir, qui m’ont hébergé pendant de longs mois. J’ai été royalement traité durant tout mon séjour chez eux, et je n’oublierai jamais les nombreux dîners que nous avons partagés, ponctués de discussions philosophiques auxquelles j’avoue ne pas comprendre grand-chose. »
Voici, en substance, le témoignage de Mamar Kaci, dit Da Velkacem, dit « Le Colonel », natif de Draa El Mizan, proche de l’historique Krim Belkacem, qui a fini ses jours dans une cité populaire de Boumerdes. Décédé en 1993, il repose au cimetière d’EL Alia où il a été inhumé en présence des plus hauts responsables de la Fédération de France du FLN.
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