• Lettre ouverte aux États-Unis

    Lettre ouverte aux États-Unis. Cessez de vous immiscer dans la politique intérieure du Venezuela

    Lundi, 28 Janvier, 2019

    Si Trump et ses alliés poursuivent leur fuite en avant au Venezuela, le résultat le plus probable sera l’effusion de sang, le chaos et l’instabilité. Par Noam Chomsky, Laura Carlsen, Miguel Tinker Salas, Greg Grandin (1)

    Le gouvernement des États-Unis doit cesser de ­s’immiscer dans la politique intérieure du Venezuela, notamment dans le but de renverser le gouvernement du pays. Il est presque certain que les actions du gouvernement de Donald Trump et de ses alliés dans l’hémisphère Sud ne feront qu’aggraver la situation au Venezuela, entraînant souffrances humaines inutiles, violence et instabilité.

    La polarisation politique du Venezuela n’est pas nouvelle ; le pays est divisé depuis longtemps par des lignes de fracture raciales et socio-économiques. Mais cette polarisation s’est accentuée ces dernières années. Cela est en partie dû au soutien donné par les États-Unis à une stratégie d’opposition visant à renverser le gouvernement de Nicolas Maduro par des moyens extra-électoraux. Alors que l’opposition était divisée sur cette stratégie, le soutien des États-Unis est allé aux tenants de la ligne dure des secteurs de l’opposition dans leur objectif de renverser le gouvernement Maduro par le biais de manifestations souvent violentes, d’un coup d’État militaire ou de toute autre voie permettant d’éviter les urnes.

    Sous le gouvernement Trump, la rhétorique agressive contre le gouvernement vénézuélien a atteint un niveau encore plus extrême et menaçant, les responsables du gouvernement Trump évoquant l’idée d’une « action militaire » et condamnant le Venezuela, avec Cuba et le Nicaragua, comme partie prenante d’une « troïka de la tyrannie ». Les problèmes résultant de la politique du gouvernement vénézuélien ont été aggravés par les sanctions économiques états-uniennes, illégales en regard de l’Organisation des États américains (OEA) et des Nations unies, mais aussi du droit états-unien, ainsi que d’autres traités internationaux et conventions.

    Ces sanctions ont sapé à leur base les moyens par lesquels le gouvernement vénézuélien aurait pu échapper à la récession économique, provoquant une chute dramatique de la production de pétrole, aggravant la crise économique et causant la mort de nombreuses personnes faute d’accès aux médicaments permettant de sauver la vie. Pendant ce temps, les États-Unis et d’autres gouvernements continuent de blâmer le gouvernement vénézuélien – uniquement – pour les dégâts économiques, même ceux causés par les sanctions des États-Unis.

    Aujourd’hui, les États-Unis et leurs alliés, dont le secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, et le président d’extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, ont poussé le Venezuela au bord du précipice. En reconnaissant le président de l’Assemblée nationale Juan Guaido comme le nouveau président du Venezuela – chose illégale en vertu de la charte de l’OEA –, le gouvernement Trump a considérablement accéléré la crise politique au Venezuela dans l’espoir de diviser l’armée vénézuélienne et de polariser davantage la population, l’obligeant à choisir son camp. L’objectif évident, parfois revendiqué, est de pousser Maduro vers la sortie au moyen d’un coup d’État.

    La réalité est que, malgré l’hyperinflation, les pénuries et une profonde crise économique, le Venezuela reste un pays politiquement polarisé. Les États-Unis et leurs alliés doivent cesser d’encourager la violence en préconisant un changement de régime violent et extralégal. Si le gouvernement Trump et ses alliés continuent leur téméraire fuite en avant au Venezuela, le résultat le plus probable sera l’effusion de sang, le chaos et l’instabilité. Les États-Unis auraient dû tirer des enseignements de leurs tentatives de changement de régime en Irak, en Syrie et en Libye, ainsi que de leur longue et violente histoire de parrainage de changement de régime en Amérique latine.

    Aucune des parties en présence au Venezuela ne peut vaincre l’autre. L’armée, par exemple, compte au moins 235 000 membres actifs et au moins 1,6 million en réserve. Nombre de ces personnes se battront, non seulement pour défendre une souveraineté nationale largement défendue en Amérique latine – face à ce qui semble de plus en plus être une intervention menée par les États-Unis –, mais aussi pour se protéger d’une répression probable si l’opposition renverse le gouvernement par la force.

    Dans une telle situation, la seule solution est un règlement négocié, comme ce fut le cas par le passé dans les pays d’Amérique latine, lorsque leurs sociétés politiquement polarisées étaient incapables de résoudre leurs différends par des élections. Il y a eu des efforts faits en ce sens avec un fort potentiel, tels que ceux engagés par le Vatican à l’automne 2016, mais ils n’ont reçu aucun soutien de la part de Washington et de ses alliés attachés à l’option d’un changement de régime. Cette stratégie doit changer si l’on veut trouver une solution viable à la crise actuelle au Venezuela.

    Pour le bien du peuple vénézuélien et de la région ainsi que pour le principe de la souveraineté nationale, ces acteurs internationaux devraient plutôt soutenir les négociations entre le gouvernement vénézuélien et ses opposants, négociations qui permettront au pays de sortir enfin de sa crise politique et économique. 

    (1) Lettre ouverte signée par 70 spécialistes de l’Amérique latine en science politique et en histoire, ainsi que par des cinéastes, des personnalités appartenant à la société civile et d’autres experts. Publiée le jeudi 24 janvier 2019 par Common Dreams pour s’opposer à l’intervention en cours des États-Unis au Venezuela.
     
     

    Signataires :

     Noam Chomsky, professeur émérite du MIT et professeur lauréat  de l’université de l’Arizona, Laura Carlsen, directrice du programme des Amériques, Center for International Policy, Greg Grandin, professeur d’histoire à l’université de New York, Miguel Tinker Salas, professeur d’histoire latino-américaine et d’études chicanos-latinos au Pomona College, Sujatha Fernandes, professeure d’économie politique et  de sociologie à l’université de Sydney,  Steve Ellner, rédacteur en chef associé  de Latin American Perspectives, Alfred  de Zayas, ancien expert indépendant  des Nations unies pour la promotion  d’un ordre international démocratique  et équitable et seul rapporteur des Nations unies à s’être rendu au Venezuela en 21 ans, Boots Riley, scénariste et réalisateur  de Désolé de vous déranger, musicien, John Pilger, journaliste et cinéaste, Mark Weisbrot, codirecteur du Centre  de recherche sur l’économie et les politiques, Washington, Jared Abbott, doctorant, département du gouvernement, université  de Harvard, Dr Tim Anderson, directeur  du Center for Counter Hegemonic Studies, Elisabeth Armstrong, professeure d’études sur les femmes et le genre, Smith College, Alexander Aviña, PhD, professeur associé d’histoire, université d’État de l’Arizona, Marc Becker, professeur d’histoire à l’université d’État Truman, Medea Benjamin, cofondatrice de Code Pink, Phyllis Bennis, directrice de programme, New Internationalism, Institute for Policy Studies, Robert E. Birt, professeur de philosophie  à la Bowie State University, Aviva Chomsky, professeure d’histoire à l’université d’État  de Salem, James Cohen, université Paris-III-Sorbonne-Nouvelle, Guadalupe Correa-Cabrera, professeuree agrégée, université George Mason, Benjamin Dangl, PhD, rédacteur en chef de Toward Freedom Dr Francisco Dominguez, faculté des sciences professionnelles et sociales, université  du Middlesex, Royaume-Uni, Alex Dupuy, professeur émérite de sociologie à l’université Wesleyan, Jodie Evans, cofondatrice de Code Pink, Vanessa Freije, professeure adjointe  en études internationales à l’université  de Washington, Gavin Fridell, titulaire  de la chaire de recherche du Canada  et professeur agrégé en études du développement international, université  St Mary’s, Evelyn Gonzalez, conseillère, Montgomery College, Jeffrey L. Gould, professeur d’histoire, université de l’Indiana, Bret Gustafson, professeur agrégé d’anthropologie à la Washington University  à St Louis, Peter Hallward, professeur  de philosophie à l’université de Kingston, John L. Hammond, professeur de sociologie, Cuny, Mark Healey, professeur agrégé d’histoire, université du Connecticut, Gabriel Hetland, professeur adjoint d’études latino-américaines, caribéennes à l’université d’Albany, Forrest Hylton, professeur agrégé d’histoire, université nationale de Colombie-Medellin, Daniel James, chaire Bernardo- Mendel d’histoire latino-américaine Chuck Kaufman, cocoordinateur national d’Alliance for Global Justice, Daniel Kovalik, professeur auxiliaire de droit, université de Pittsburgh, Winnie Lem, professeure, études en développement international, université Trent, Gilberto López y Rivas, professeur-chercheur, université nationale d’anthropologie et d’histoire, Morelos, Mexique, Mary Ann Mahony, professeure d’histoire, Central Connecticut State University, Jorge Mancini, vice-président de la Fondation pour l’intégration de l’Amérique latine, Luís Martin-Cabrera, professeur associé  de littérature et d’études latino-américaines, université de Californie à San Diego, Teresa A. Meade, professeure d’histoire  et de culture Florence B. Sherwood, Union College, Frederick Mills, professeur  de philosophie, Bowie State University, Stephen Morris, professeur de science politique et de relations internationales  à la Middle Tennessee State University, Liisa L. North, professeure émérite,  université York, Paul Ortiz, professeur  associé d’histoire, université de Floride, Christian Parenti, professeur agrégé, département des sciences économiques, John Jay College Cuny, Nicole Phillips, professeure de droit à l’université  de la Fondation Dr Aristide, faculté  des sciences juridiques et politiques, et professeure auxiliaire à l’université  de Californie, collège de droit de Hastings, Beatrice Pita, chargée de cours,  département de littérature, université  de Californie à San Diego, Margaret Power, professeure d’histoire, Illinois Institut  de technologie, Vijay Prashad, rédacteur  en chef du TriContinental, Eleanora Quijada Cervoni FHEA, facilitatrice en éducation  du personnel et mentor EFS, Centre  pour l’enseignement supérieur,  l’apprentissage et l’enseignement  à l’université nationale australienne,  Walter Riley, avocat et militant,  William I. Robinson, professeur  de sociologie à l’université de Californie  à Santa Barbara, Mary Roldan Dorothy Epstein, professeure d’histoire  latino-américaine, Hunter College/Cuny Graduate Center, Karin Rosemblatt, professeure d’histoire à l’université  du Maryland, Emir Sader, professeur  de sociologie à l’université de l’État  de Rio de Janeiro, Rosaura Sanchez, professeure de littérature latino-américaine  et de littérature chicano, université  de Californie à San Diego, T.M. Scruggs Jr., professeur émérite de l’université  de l’Iowa, Victor Silverman, professeur d’histoire, Pomona College, Brad Simpson, professeur agrégé d’histoire, université  du Connecticut, Jeb Sprague, conférencier, université de Virginie, Kent Spriggs,  avocat international des droits de l’homme, Christy Thornton, professeure adjointe d’histoire, Johns Hopkins University,  Sinclair S. Thomson, professeur associé d’histoire, université de New York, Steven Topik, professeur d’histoire  à l’université de Californie à Irvine, Stephen Volk, professeur d’histoire émérite, Oberlin College, Kirsten Weld, professeure  associée de sciences sociales, département d’histoire, université de Harvard, Kevin Young, professeur adjoint d’histoire, université  du Massachusetts, à Amherst.
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