• Les clôtures symboliques des Algériennes : la virginité ou l’honneur social en question

    Les clôtures symboliques des Algériennes : la virginité ou l’honneur social en question

    Barkahoum FERHATI
     

    Résumé

    Les clôtures symboliques des Algériennes : la virginité ou l’honneur social en question. Liée à l’honneur de la famille, la virginité est une question qui a toujours hanté l’esprit des jeunes filles algériennes. Toutes sortes de pratiques sont envisagées par la société pour la préserver. La plus connue est celles du rbat (action de nouer), dit teskar (action de fermer) ou encore tesfah (action de blinder). Au moyen de techniques ritualisées, elle consiste en la « fermeture » symbolique de l’hymen avant la puberté et son « ouverture » symbolique la veille du mariage. La « chemise tachée du sang de la vierge » doit en être la preuve indéniable : elle authentifie que l’honneur de la famille, du groupe, est intact. Lorsque, pour diverses raisons, l’hymen fait défaut, la société déploie toutes sortes de stratégies palliatives. Aujourd’hui, le certificat de virginité et la reconstitution de l’hymen par la chirurgie plastique, l’hyménorrapie ou l’hyménoplastie, viennent renforcer la pratique symbolique du rabt. La question fondamentale que je pose dans cet article est : peut-on envisager de casser la clôture « malléable » de cette « vaste prison » des femmes afin que les Algériennes puissent intégrer la société en tant qu’individus et non en tant qu’emblèmes de l’honneur de la famille ?

    Texte intégral
     

    Le nouveau code de la famille algérien, dans son article 7 bis 1, exige un certificat médical de santé prénuptial à produire à l’officier de l’état civil au moment de l’enregistrement du mariage 2. Les officiers de l’état civil l’ont interprété en exigeant un certificat de virginité de la jeune fille. Même si les associations des femmes 3 ont dénoncé ces agissements, on continue aujourd’hui d’exiger ce « certificat de la honte » 4. Cette pratique par la preuve du certificat de virginité délivré par un médecin n’est pas une nouveauté en soi mais c’est son « officialisation » par des hommes de loi ou, du moins, son interprétation et le débat sur la place publique qu’il a suscité, qui nous interpellent.

    Les raisons sociologiques, anthropologiques et théologiques de sauvegarder cette virginité sont connues. Dès longtemps, tout un arsenal de pratiques a été déployé en vue de sa conservation, de sa préservation et le cas échéant de sa réparation, coûte que coûte. Une de ces pratiques est celle liée au rbat, action de nouer, pratique secrète et intime qui procède à la « fermeture » symbolique de l’hymen de la fillette et à son « ouverture » symbolique au mariage, et qui vise à protéger la virginité sacrée des filles. Je dirai d’emblée que ce même vocable est aussi usité pour désigner un rituel aux effets maléfiques auquel les femmes recourent pour rendre « impuissant » l’homme en lui jetant des sorts pour se venger d’un amour trahi, d’une alliance non souhaitée ou encore par jalousie. Il se rapproche du rituel occidental appelé le « nouement de l’aiguillette ». Ici, il ne sera pas question de cette pratique. C’est le rbat, pratique symbolique liée aux femmes pour préserver leur virginité qui est au cœur de la présente étude.

    Aujourd’hui cette pratique féminine, atteignant ses limites sans toutefois disparaître, se voit réinvestie par la Loi (certificat de virginité) et la Science (réparation chirurgicale de l’hymen). Nous nous trouvons là devant le renforcement, avec des méthodes renouvelées, de la clôture des femmes. Il s’agira ici de voir comment, pourquoi et avec quelles techniques se construit cette clôture. Je me poserai également la question des stratégies mises en place pour sortir de cet enfermement. Arrivant au certificat de virginité « exigé » aujourd’hui, je me poserai la question de ce qu’il révèle. Et je conclurai sur la résonance de cette pratique en France dans les milieux issus de l’immigration en m’interrogeant sur les limites des compromis.

    Pour y parvenir, je me suis appuyée sur mes propres observations relevées autour de moi tant en Algérie qu’en France 5. Je les ai confrontées avec une récente enquête que j’ai menée à l’occasion de ce travail à Bou-Saâda. Nombreux sont les travaux généraux 6 sur la virginité qui permettent de comprendre ses raisons magico-religieuses, anthropologiques et ses impacts sociologiques, mais rares sont les travaux qui traitent des pratiques de la préservation de la virginité. Tandis qu’en Algérie ils sont inexistants, je noterai en Tunisie la récente étude d’Ibtissem Ben Dridi 7 et au Maroc les recherches de Soumaya Naâmane-Guessous.

    Pratiques et stratégies : le rbat rituel symbolique de la « fermeture » et de « l’ouverture » de l’hymen.

    Ritualisée dans les pratiques et les comportements coutumiers, la virginité de l’Algérienne est une norme fondamentale de la société. Corps surprotégé par la famille et notamment par la mère qui veille sur la virginité de la fille car l’homme cherche toujours l’épouse vierge, « pure », dont il se croit le seul initiateur en matière sexuelle. La virginité est ainsi une hantise pour les jeunes filles et pour les mères qui mettent en œuvre toutes sortes de stratégies pour préserver leur fille de tout contact sexuel avant le mariage et ainsi « sauver l’honneur ». Il existe des pratiques traditionnelles qui consistent justement à préserver cette virginité. Celle que l’on connaît en Algérie, notamment à Bou-Saâda, est le rituel du rbat. Notons qu’il existe d’autres appellations qui participent du même principe mais qui se caractérisent par des techniques différentes d’une région à l’autre. Citons le teskar, action de fermer, le tesfah, action d’aplatir ou de blinder 8. La jeune fille le subissant est dite msakra, msafha, marbouta, soit littéralement : fille fermée, fille blindée, fille ligotée ou fille nouée. La littérature occidentale du Moyen Âge nous l’a transmise sous l’appellation du rite de la ferrure. Théoriquement la fille marbouta ne peut être pénétrée par aucun homme quelle que soit sa vigueur sexuelle, et fût-elle consentante 9.

    Le rbat que nous connaissons dans la région de Bou-Saâda se pratique avant la puberté. L'âge idéal est entre huit et dix ans. Aujourd’hui, il est effectué juste avant l’entrée en première année du primaire, à six ans, tout comme la circoncision 10 pour les garçons. On emmène la petite fille chez une femme spécialisée dans cette opération, la qabla, l’accoucheuse traditionnelle, l’équivalent de la sage femme. Ce rite peut être aussi accompli par la mère, une tante ou une grand-mère. Le rbat est tenu secret, car il fait partie de l’intimité des femmes. Les hommes en sont tenus à l’écart.

    Ce rituel s’effectue par la lecture de phrases magiques et au moyen d’instruments. La phrase consacrée est répétée par la fillette sept fois de suite : wald en nas khaït wana haït que je traduis littéralement par : le fils des autres (femmes) est un fil tandis que je suis un mur. Par cette opposition fil/mur, au symbolisme sexuel évident, dont elle ne soupçonne même pas la signification, la fillette est mise en condition : désormais les hommes quels qu’ils soient représentent un danger pour elle.

    Pour désamorcer le pouvoir de cette formule, quelques jours avant le mariage, il suffira de l’inverser. La phrase devient alors : wald en nas haït wana khaït, que je traduis littéralement par : le fils des autres est un mur tandis que je suis un fil.

    Ce retournement de la formule recèle un mécanisme ambivalent où, pour provoquer la fermeture, la femme est symbolisée par un mur-serrure dont aucun passe ne saurait venir à bout, alors que lorsqu’il s’agira de procéder à l’opération inverse de l’ouverture, la femme se voit dotée du pouvoir masculin de la bonne clef, symbolisée par le fil. Zine Eddine Zemmour parle de sacrifice de la fille vierge qui « est ainsi victime et en même temps source du pouvoir et objet de ce pouvoir » 11.

    Des instruments tels que le métier à tisser, le cadenas, le coffre ou la poupée confectionnée à l’occasion sont utilisés comme supports symboliques dans l’accomplissement du rituel 12. Dans le cas du métier à tisser, le rituel est effectué au moment de son montage. À Tlemcen, on apporte à la praticienne une aiguille et un balai. La fillette, nue, les yeux fermés, fait sept fois le tour du métier. À chaque fois elle est piquée avec une aiguille et reçoit un coup de balai. Ensuite la barre du métier est descendue et la fillette la franchit sept fois dans un sens puis sept fois dans l’autre. À Bou-Saâda, le rituel est bien plus simple. La fillette habillée enjambe le métier à tisser sept fois tout en répétant après la femme désignée pour mettre en œuvre le rituel, la formule consacrée de la fermeture.

    Dans le cas du cadenas, on fait acheter cet objet par un garçon qui n'est pas de la famille. Il doit prendre l’argent de l’achat sans compter ni demander le prix au marchand. Ce cadenas ne doit pas être ouvert en cours de route. Pendant ce temps, la fillette est préparée : elle doit être nue et cheveux dénoués. On lui enlève boucles, épingles, colliers et bracelets. Elle doit rester debout les yeux fermés. La personne qui pratique la « fermeture » ouvre le cadenas, le place face au sexe de la fillette et le ferme avec ces paroles : « binti haït » (ma fille est un mur). Elle passe ensuite le cadenas par en dessous, vers l'arrière, l'ouvre et dit textuellement : « wald en nas khaït (le fils des autres est un fil). Par sept fois l'opération est répétée puis le cadenas est caché ou le plus souvent jeté. La veille du mariage, il faut procéder à « l’ouverture » et, pour cela, refaire l’opération dans le sens inverse.

    Dans le cas du coffre-fort et de la serrure, on assoit sur le coffre la fillette préparée dans les mêmes conditions. On le ferme sous elle en prononçant la première formule, « ma fille est un mur… ». La veille du mariage, pour procéder à « l’ouverture », la fille est placée debout sur le coffre dont on ouvre la serrure en psalmodiant la formule inverse.

    D’autres techniques sont utilisées, tel le marquage par le tatouage. Une légère incision est pratiquée de haut en bas sur la cuisse droite de la fillette, préparée dans les mêmes conditions, en psalmodiant les mêmes phrases magiques. Cette technique est pratiquée dans le Constantinois 13 et en Tunisie 14. Lors du mariage, pour procéder à « l’ouverture », on réalise une autre scarification dans le sens inverse, de bas en haut sur l’autre cuisse.

    Et enfin, il est un autre marquage repéré chez les Reguibet, tribu de la Saoura dans le Sud algérien 15. La fillette, « pour éviter tout risque d’accident », est attachée, jambes et bras écartés, à quatre piquets fichés en terre. Une coupure est pratiquée sur le clitoris 16 puis recouverte de henné. Dans tous les cas les mêmes formules sont répétées.

    Comme si le marquage psychologique par le rbat ne se suffisait pas par lui-même, il est rendu indélébile par les marquages sur le corps des femmes, et pas seulement. Il est encore renforcé par l’éducation que la fillette va recevoir. En amont, les parents, la mère en particulier, auront mis le plus grand soin à la formation de la jeune fille. La prévention contre tout écart par rapport à la norme se double d’une surveillance quotidienne et d’éventuelles punitions (piment frotté sur le clitoris).

    Ainsi, par la pratique du rbat, la fillette est désormais détentrice de l’honneur de tout le groupe. Elle est exclue définitivement du monde du « dehors » pour être cantonnée dans celui du « dedans ». Elle doit apprendre à faire « les choses des femmes » : cuisine, tissage et aussi apprendre à rougir et courber l’échine devant les mâles de la famille et de la société toute entière.

    L’» ouverture » symbolique par le rituel du rbat la veille de la nuit de noces puis la défloration de l’hymen par l’époux sont rendues manifestes par la preuve tangible de la « chemise tachée du sang de la vierge ». Le soir même, cette chemise doit être exhibée pour être vue de tous. Certaines femmes sont même sollicitées pour expertiser le sang virginal 17. Le lendemain, la famille dansera avec cette « chemise » tandis que la mariée entamera, quant à elle, une danse dite lhzam, « de la ceinture », où s’accrochent les billets de banque qu’elle reçoit de sa belle-famille. Plus tard, cette « chemise » sera envoyée dans les familles proches et voisines, qui féliciteront la mère de la tahmirat el oujah, faire rougir le visage de la famille, ce qui s’oppose à tasfirat el oujah, faire jaunir le visage de la famille, lorsqu’il s’avère que la jeune fille n’est pas vierge. Il arrive souvent qu’on passe sur le visage des fillettes cette « chemise » pour assurer une fois de plus la protection de leur virginité. Investie de la baraka, cette chemise devient un objet sacré. Aussi est-elle gardée précieusement et ne sera-t-elle lavée que lors du premier accouchement.

    Lorsque pour différentes raisons il arrive que l’affaire ne puisse être réglée, la mariée accusée de non virginité peut dans ce cas se défendre par son certificat de virginité. D’autres artifices peuvent alors être convoqués dans cette « vaste prison » des femmes. La société, aussi fermée soit-elle, offre des portes de sortie.

    Les issues de secours : la clôture malléable

    Lorsque le rbat est confronté à ses limites, la société des femmes – mères, grands-mères et sages femmes – se mobilise pour trouver des « issues de secours » afin de sauver l’honneur de la famille, du groupe, du clan. Comme le dit Bouhdiba : « L’histoire sociale du monde arabo-musulman traditionnel est une constante recherche de compensations, de fuites, de subterfuges pour contourner, dépasser le manichéisme des sexes » 18.

    Par le passé, lorsqu’elle considérait que l’hymen n’est pas suffisamment « resserré », la qabla préparait différentes onctions pour y remédier et faciliter le saignement lors du premier rapport : « Les mariées inquiètes ont, pendant des siècles, eu recours à des artifices permettant de simuler l’hémorragie de la défloration » 19. Lorsque malgré tout le sang n’apparaissait pas, il ne restait plus qu’à dire que la fillette née un vendredi ne peut produire d’écoulement de sang lors du rapport. La qabla en général donnait raison à cette déclaration. Ainsi, l’honneur était sauf. Le vendredi est le jour saint chez les musulmans, le jour du pardon où il est fortement recommandé aux croyants, amis et ennemis, de se réunir dans l’enceinte de la mosquée pour la prière.

    L’évolution et le progrès ne permettant plus aujourd’hui de faire valoir de telles causalités et d’offrir de telles issues aux égarées, d’autres tactiques de contournement sont envisagées. La pharmacie du coin est aussi appelée à la rescousse pour provoquer l’écoulement du sang. Ce sont des produits médicamenteux dont il est difficile de savoir par quel biais ni comment ils ont pu être repérés par les femmes. Délivrés dans le secret le plus total par le pharmacien et sans ordonnance, ces produits pharmaceutiques sont absorbés ou injectés la veille de la nuit de noces. Ici, le danger ne se mesure pas, ces femmes sont prêtes à tout.

    Il est fait appel aussi à la chirurgie 20 réparatrice de l’hymen par les opérations de l’hyménorrapie et de l’hyménoplastie 21. Solution coûteuse, elle est pratiquée aussi bien par des chirurgiens que par des sages-femmes, les conditions d’asepsie étant en rapport avec les moyens financiers que l’on y met. Ainsi, la chirurgie donnant l’assurance de se refaire une virginité, la jeune fille peut envisager une vie sexuelle relativement libre. Sans parler du fait qu’elle peut aussi s’adonner à un simulacre de pénétration dit « petting », flirt avancé 22.

    Enfin, notons la capacité de la société à défaire le rbat lorsqu’elle est forcée de constater qu’il la mène à l’impasse. En effet, il existe des situations où l’on considère que le rbat peut avoir des effets maléfiques, par exemple lorsque la jeune fille marbouta ayant dépassé l’âge du mariage, ne trouve toujours pas de mari. Pour faire affluer les demandes en mariage, il faut dénouer l’effet du rbat, avec les mêmes instruments et phrases magiques que pour « l’ouverture » à la veille du mariage. La société méprise le célibat. Le mariage est un devoir que tout musulman doit accomplir. Il est un bien précieux de Dieu. Alors qu’il était envisagé comme une protection assurant la virginité, le rbat exerce également des effets maléfiques dans le cas de l’homme dit marboute, lorsque les mauvais sorts jetés sur lui mettent en cause ses attributs virils. Il faut donc coûte que coûte l’en sortir. Dans le fond, la société qui pratique le rbat, le redoute tout autant : « Que Dieu ouvre ton nœud », est l’expression consacrée dite à tout homme et toute femme se trouvant dans une situation d’impasse.

    Les salafistes, rigoristes qui prêchent tout comme les oulémas jadis 23 un Islam épuré, considèrent ces pratiques comme relevant de la sorcellerie et non conformes à la religion. Ils les ont bannies. Mais la virginité demeurant à leurs yeux une valeur fondamentale, ils n’ont d’autre remède face à l’angoisse du clan que le mariage précoce afin d’échapper à la « tentation ».

    On voit que, quelles qu’elles soient, les sorties de secours proposées par la société font faillite. La jeune épousée déclarée non vierge est renvoyée le soir même dans sa famille. Quant aux conséquences morales et physiques qui en découlent pour les familles, elles sont graves et peuvent aller jusqu’à l’assassinat de la fille et de la mère. Couverte de honte, la fille est bannie de la liste des jeunes prétendantes. Elle est alors destinée aux hommes âgés. Et elle pâtira avec toute sa famille de cette « honte » sur plusieurs générations.

    Le passage difficile à la modernité : dilemme et ambiguïté

    Le passage à la modernité a eu pour conséquences l’entrée des femmes dans le marché du travail et l’éclatement de la société traditionnelle et de la cellule familiale. Camille Lacoste-Dujardin dit à ce propos : « L’industrialisation du Maghreb ne semble pas avoir modifié réellement les conditions de vie des femmes… L’État légifère sur la définition des statuts individuels, sur l’éducation de même que sur la régulation des naissances… En contrepartie, l’obéissance à la doctrine islamique en tant qu’idéologie nationale contribue au maintien des croyances traditionnelles. » 24 En effet, les mentalités n’ont pas suivi la marche de la modernité. Sorties du domicile familial, exposées « au danger », les femmes et leurs filles restent encore plus soumises au fardeau social de la virginité. Mais c’est aussi la modernité qui va leur permettre de trouver des parades et de recouvrer par la chirurgie la virginité perdue.

    Ainsi, les femmes ajustent l’une à l’autre la vie moderne ayant pour conséquence une liberté sexuelle et la vie traditionnelle ayant pour préalable le maintien de la virginité comme moyen d’accès à la vie sociale. On peut s’interroger sur la résistance de cette tradition ancestrale.

    Le cas des Françaises dont les parents sont issus de l’émigration notamment maghrébine et turque et qui recourent à la réparation de la virginité est à cet égard édifiant. Pourtant, les lois de la République sont là pour protéger les filles contre les archaïsmes des mentalités. Plusieurs articles publiés récemment tirent la sonnette d’alarme 25. Les journalistes accablent le mouvement féministe qui a failli à sa mission en laissant pour compte cette frange des femmes à la merci « des inquisiteurs de petites vertus qui ne jurent que par l’hymen et le sang versé le soir des noces » 26. Le plus frappant est le constat consternant que le recours à la chirurgie est très répandu en France. Interrogé, le Planning familial 27 éprouve des difficultés à expliquer le phénomène. Il prône l’éducation pour sortir les filles du ghetto de la tradition. Quant au Conseil de l’Ordre des Médecins français, s’il interdit aux praticiens de délivrer des certificats de virginité ou de réparer l’hymen de la « honte », les médecins sollicités par les filles et parfois par leurs mères en détresse passent outre pour « sauver ces femmes ». Cette chirurgie est pourtant coûteuse, mais « elles se débrouillent, pour faire passer l’intervention pour un acte banal remboursé par la Sécurité Sociale » 28.

    Les effets psychologiques du poids de la charge portée par les filles et leurs mères ne sont pas encore mesurés, ni ceux de la chirurgie, ni ceux de la violence de la nuit de noces, ni celui de la culpabilité qu’il faut porter sa vie durant. La psychanalyste Badia Hadj-Nasser parle « d’effet opérant dans la vie quotidienne et sociale du sujet. Il [le psychanalyste] ne peut méconnaître la résonance singulière du fait social en terme de réalité psychique sur le sujet ». 29

    Négociation ou compromission ?

    Alors que l’on n’a jamais vu autant de femmes occuper, dans la sphère publique, des postes de responsabilité à tous les niveaux de la hiérarchie sociale, elles continuent à rester des individus fragiles. Avec le consentement tacite des hommes, elles parviennent à trouver un compromis au péril de leur vie pour apaiser les tensions et « sauver l’honneur », un « honneur » qui résiste au changement des temps. S’agit-il tout simplement de « sauver sa peau » ? L’hégémonie des hommes serait-elle toujours intacte ? Faudrait-il toujours que les femmes endossent elles seules le poids de la culpabilité ? Comment en finir avec cette culpabilité ? Pourquoi la virginité offre-t-elle une telle résistance, alors que les hommes savent désormais qu’ils ne sont plus les « premiers » ? Et probablement ne le seront plus jamais !

    Les femmes qui s’infligent les pires violences pour apaiser les tensions sociales mais aussi pour vivre leur sexualité ne seraient-elles pas prêtes à s’assumer en tant que membres à part entière de la société ? « Les femmes maghrébines peuvent donc décliner leur vie sexuelle en de multiples nuances, selon l’éventail des moyens dont elles disposent ». 30 On les enferme et elles acceptent l’enfermement dans le voile, la virginité, le mariage religieux,… Le rbat à l’instar du voile, hier moyen de conforter la société traditionnelle, serait-il le signe d’une stagnation de la société ou d’une transition obligée vers la modernité ? Puisqu’il est vrai que les femmes s’ingénient aussi à trouver des issues de secours sans aller jusqu’à la rupture. Jusqu’où peut-on pousser les limites de ces clôtures ? Et s’il fallait rompre ?

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