• Les chanteurs français et la guerre d’Algérie

    Les chanteurs français et la guerre d’Algérie

    De Mouloudji à Enrico Macias

    Officiellement, jusqu’au 20 octobre 1999, on ne parlait pas en France de "guerre", mais des "événements" d’Algérie. De 1954 jusqu'à l'indépendance le 5 juillet 1962, c’est pourtant bien un ultime conflit colonial qui envoie au front deux millions de soldats et marque toute une génération de jeunes artistes, confrontés chacun à leur manière aux dures réalités de la guerre.

    La guerre d’Algérie est certainement l’événement de la seconde moitié du XXe siècle qui a le plus divisé la société française. Il y avait les pro-indépendance, les pieds-noirs, les harkis, les antimilitaristes, les ultras de l’Algérie française… De 1954 à 1962, le conflit a fait chuter la IVe République, mis au pouvoir le Général de Gaulle en 1958, vidé la France de ses forces vives et sérieusement écorné l’image de "patrie des droits de l’homme".   

    En 2800 jours de guerre, environ deux millions de soldats français seront appelés en Algérie. Souvent, ces jeunes militaires n’ont jamais voyagé, même pas en dehors de leur propre département. Par leur violence, les "évènements" d’Algérie impactent tout une génération, et la chanson française s’en fait évidemment l’écho.
     
    Déserter ?
     
    Le premier morceau qui reflète l’effet que produit sur la société française l’angoisse d’un nouveau conflit est Le Déserteur de Boris Vian. En 1954, Vian délaisse les romans et écrit une soixantaine de chansons, dont le Déserteur, qui exprime le ras-le-bol d’une génération qui n’a connu depuis 1940 que l’atrocité de la guerre. A ce moment-là, c’est un autre conflit colonial, la guerre d’Indochine, qui fait rage. 

                                                                                                                                                                                                                  Marcel Mouloudji, artiste français d’origine Algérienne enregistre le Déserteur le 14 mai 1954, chez Philips. La guerre d’Algérie ne commencera que six mois plus tard. En avance sur son temps, Le Déserteur prend une dimension plus importante à l’automne 54 et est interdit d’antenne jusqu’en 1962.
     
    A cette lettre ouverte d’un jeune appelé qui refuse de s’engager fera écho la Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la Guerre d’Algérie, texte anticolonialiste signé par toute une partie des intellectuels et artistes français en 1960 – Jean-Paul Sartre, Simone Signoret, Marguerite Duras : "Qu’est ce que le civisme, lorsque dans certaines circonstances, il devient soumission honteuse ? N’y a-t-il pas de cas où le refus est un devoir sacré, où la 'trahison' signifie le respect courageux du vrai" ? 
     
    Etre appelé
     
    En novembre 1954, 50 000 jeunes soldats effectuent cependant leur service militaire en Algérie. L’année suivante, certains sont "rappelés" en Algérie et la durée du service passe de 18 mois à 30 mois. Le quotidien est rude, marqué par l’ennui ou l’horreur de la guerre. Avec son premier 45 tours, Y’avait Fanny qui chantait en 1959, le tout jeune Hugues Aufray signe l’hymne des appelés d’Algérie :"Dans ce bled il faisait chaud, l’ennui nous trouait la peau, on vivait sans savoir si, on reviendrait au pays, à la caserne le soir, on avait souvent le cafard, heureusement il y avait Fanny, j’y pense encore aujourd’hui" … En 1962, le jeune Serge Lama est appelé en Algérie, une expérience qui lui inspirera plusieurs morceaux comme L'Algérie ou La guerre à vingt ans.


    Dans son album Garlick, en 1972, Hugues Aufray racontera dans la chanson Fleur d’Oranger le viol d’une jeune Algérienne par des soldats français, une histoire qui lui aurait été relatée  un appelé. C’est que la guerre d’Algérie est une sale guerre, pour laquelle "les pouvoirs spéciaux" ont été votés en 1956 autorisant de fait la torture et sa funeste "gégène" comme unique stratégie de renseignement.
     
    En public, à l’Alhambra en 1961, Léo Ferré, antimilitariste notoire, chante dans la première version des Temps Difficiles : "Quand l’Indochine c’est terminé, où c’est-t-y qu’on pourrait s’tailler (…) Fil’moi ta part mon p’tit Youssef, sinon j’te branche sur l’EDF (…) Réponds, dis moi où est ton pote, sinon tu vas être chatouillé, Quand on questionne y’a qu’à causer, les temps sont difficiles". A ce couplet, le public répond par un tonnerre d’applaudissements.


     

    Cinquante années après, il est impossible de citer tous ceux qui ont chanté les traumatismes de la guerre d’Algérie. Du Parachutiste de Maxime le Forestier (1971) au Soldat des Marseillais de IAM(1993), beaucoup ont livré leur lecture artistique de l’Histoire, que l’Etat français, tous gouvernements confondus a mis officiellement tant de temps à reconnaître. 
     
    Par Eglantine Chabasseur

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