• L' « archéolonisation » de Jérusalem

     

    L' « archéolonisation » de Jérusalem

    • Jérusalem

    « Aujourd'hui, à Jérusalem, on ne sait plus qui est l'archéologue et qui est le colon » : ainsi s'achève l'intervention de Nazmi Ju'bi à l'Université de Birzeit le 2 août 2009. Cinq universitaires palestiniens y sont réunis pour une conférence sur Jérusalem intitulée « History of the Future ». L'historien Nazmi Ju'bi a été le premier a prendre la parole : il a mis en lumière la relation entre archéologie et colonisation. L'archéologue et le colon : deux figures parallèles, au service d'une même stratégie. Celui-ci s'installe dans une maison dont une famille palestinienne vient d'être expulsée par l'armée israélienne, l'entoure aussitôt de grillages, place quelques caméras de surveillance et exhibe triomphalement un drapeau israélien, qui trônera sur le toit de sa petite prison. Un « garde des colons », armé et muni d'une oreillette, garantira jour et nuit sa sécurité. Celui-là creuse des tunnels sous des mosquées, déterre les derniers vestiges de la présence arabe à Jérusalem (pour les enfouir ailleurs), réquisitionne des grottes ou des bassins palestiniens en leur inventant soudain une dimension religieuse jusqu'alors méconnue. Les Palestiniens sont chassés de ces nouveaux  lieux saints, et l'on voit défiler, à travers une grille médiévale aussi authentique que le lieu saint lui-même, de fervents paquets de colons. L'archéologue et le colon sont les deux visages d'un même nettoyage ethnique.

     

    Que le colon colonise, cela a le triste mérite d'être un phénomène connu. Que l'archéologie se dépouille, sans regret, de sa visée scientifique pour devenir l'instrument politique de la colonisation israélienne, que l'archéologie renonce à la vérité pour prêter allégeance au mensonge, qu'elle soit entièrement mise au service d'une politique de la fiction: c'est peut-être le plus dérangeant, et c'est assurément le plus alarmant. Une violence est faite au passé qui complète et parachève la violence exercée sur le présent: la désarabisation du sous-sol de Jérusalem est  un complice efficace de la dépalestinisation de la ville. La destruction méthodique des traces de la présence arabe à Jérusalem dans le passé est odieusement mimée par celle de la présence palestinienne actuelle: la symétrie est parfaite. Israël renonce à la Vérité du passé après avoir abandonné l'idée-même d'une Justice au présent. Le nettoyage ethnique s'accompagne d'un nettoyage du patrimoine.

    Prenons l'exemple du quartier de Silwann, où l'armée israélienne accomplit progressivement la politique du « slow transfert »: l'une après l'autre, les maisons palestiniennes sont détruites et leurs habitants déplacés. Israël pousse même l'ironie jusqu'à exiger des familles palestiniennes qu'elles paient les services des bulldozers qui se sont « déplacés pour elles ». A Silwann, les habitants palestiniens ont dressé une tente où ils se réunissent pour lutter contre le « transfert silencieux »: « le virus de Jérusalem est plus mortel que la grippe A », explique l'un d'entre eux avec humour.. Sous la tente, des panneaux exhibent des ordres de démolition - car les Palestiniens sont d'abord invités à détruire eux-mêmes leurs habitations-, des avis d'expulsion, et des taxes, des amendes: « Bientôt, ils nous feront payer une taxe pour l'oxygène qu'on respire! », prédit le Palestinien. Cette prophétie caricature l'absurdité de la politique israélienne, mais elle n'en est pas si éloignée dans l'esprit, quand on songe par exemple que des Palestiniennes ont été arrêtées à Jérusalem parce qu'elles chantaient en arabe, ou quand on se rappelle que tout groupe de dix personnes est un rassemblement politique aux yeux de la législation israélienne - sans oublier non plus que tout rassemblement politique est susceptible de se poursuivre en prison. La marge de manœuvre des habitants de Silwann est extrêmement étroite, mais leur détermination est solide: « Cette terre est la prunelle de nos yeux, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas la quitter. » Ils dénoncent la manœuvre israélienne qui consiste à utiliser les fouilles archéologiques comme prétexte aux expulsions: on peut lire sur un écriteau « Expulsions disguised as archeology ». Car les Israéliens prétendent depuis quelques temps que le quartier de Silwann a été bâti sur un site sacré: la « Cité de David ». Ils ont transformé en bassin purificateur le petit ruisseau qui servait autrefois de terrain de jeu aux jeunes Palestiniens du quartier: ceux-ci n'y ont plus accès, mais ils peuvent observer à travers une grille les pèlerins-colons. 

    Ce mythe de la Cité de David a été inventé de toutes pièces par les Israéliens, dans le but évident de justifier les expulsions. Face à une telle politique de la fiction, les Palestiniens sont presque sans défense. Dans le cas de Silwann, un lieu de détente palestinien a été métamorphosé, du jour au lendemain, en site religieux, réservé aux Juifs et aux touristes. Il s'agit sans nul doute d'une insulte faite à l'histoire et à la vérité historique. Dans d'autres cas, le phénomène est encore plus visible - et peut-être encore plus scandaleux -, car les Israéliens n'hésitent pas à transformer des lieux sacrés du culte musulman en lieux de culte juifs (comme cette mosquée de Jérusalem qui est devenue une synagogue en 1967, et sur la façade de laquelle on peut lire : « reopened after the Six Days War », inscription naturellement mensongère). Très manifestement, Israël se comporte avec l'histoire comme avec les résolutions de l'Organisation des Nations Unies, et prend toutes les libertés qui lui sont nécessaires ou utiles pour poursuivre la colonisation de la Palestine.   Etrangement, ce sont les maisons palestiniennes ou les lieux saints de l'Islam, comme la mosquée d'Al Aqsa, qui sont menacés par les fouilles dans le sous-sol de Jérusalem. Les tunnels creusés sous l'Esplanade des Mosquées sont financés par l'Administration du Mur des Lamentations. Les fouilles près de la Porte des Maghrébins détruisent les derniers vestiges de cet ancien quartier arabe, complètement rasé. On pourrait multiplier les exemples de cette manipulation de l'histoire, et de la subordination de l'archéologie, donc de la vérité scientifique, aux impératifs stratégiques et politiques de l'Etat juif. Israël s'est fait l'historien de Jérusalem, et aucune découverte archéologique ne modifiera cette version officielle et fictive - le plus ironique demeurant la mise au jour par les archéologues israéliens de traces des civilisations byzantine et ottomanes (donc musulmanes), alors même qu'ils cherchaient à fonder « scientifiquement » l'invention du « bassin sacré », datant de 2001. A l'évidence, il ne s'agit plus d'histoire ou d'archéologie, mais de mythes politiques, forgés par Israël pour devenir les moteurs de la colonisation. Cela n'a pas échappé à certains archéologues israéliens, qui développent depuis quelques années une école critique, fissurant les légendes officielles et soulevant de profonds questionnements quant à la légitimité d'une telle politique du mensonge. On ne s'étonnera pas du peu d'écho de leur message au sein de la société israélienne. 

    Le nettoyage du patrimoine selon des critères éthnico-religieux participe de l'israélisation et de la judaïsation de Jérusalem, au même titre que la colonisation de la ville, et d'une manière plus insidieuse. A la violence du colon « de surface » répond celle de l'archéologue (qui n'a d'archéologue que le nom) dans les profondeurs du sous-sol jérusalémite, souterraine et invisible, mais tout aussi dangereuse et criminelle. Au crime contre l'humanité répond le crime contre la vérité.

    Source:Project Palestine

      

    Qui a sacrifié ,crucifié Jésus ? Qui a exterminé les enfants de Gaza ? Des extra- terrestres peut etre ...Le monde a besoin de Paix et non de la haine qui avilit la noblesse de l'etre humain .

    « L'idiotie comme arme politique !Histoire secrète de Coca Cola »
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