• Droit comparé du mariage franco-algérien

     

                                     

    La comparaison des droits positifs entre la France et l'Algérie en matière de mariages est un cas courant de droit international : si dans les deux pays le mariage est un des actes les plus importants de la vie, les fondements juridiques qui encadrent cette union sont fort différents. Alors que dans le premier pays le mariage est civil, il est d'inspiration religieuse dans le second. Ainsi, les prérequis, les conséquences, la dissolution ainsi que les conséquences de la dissolution de cet acte juridique majeur sont fondamentalement éloignées.

    En mai 2006, les nombreux mariages contractés entre Algériens et Français ont permis de développer une jurisprudence complète sur ce point de droit international. Celle-ci est perturbée par les situations politiques intérieures française et algérienne à cette époque, par les relations ambiguës entre la France et son ancienne colonie ainsi que par les tensions diplomatiques et consulaires sous-jacentes.

    Sommaire

    Préambule

    Du point de vue français comme algérien, le mariage représente un acte de la vie des plus solennels. Il est même assez subtilement défini en droit algérien : article 4 du code de la famille du 9 juin 1984 amendé et complété par Ordonnance présidentielle en date du 27 février 2005,

    «  art. 4 du nouveau code de la famille algérien[1]Le mariage est un contrat consensuel passé entre un homme et une femme dans les formes légales. Il a, entre autres buts, de fonder une famille basée sur l'affection, la mansuétude et l'entraide, de protéger moralement les deux conjoints et de préserver les liens familiaux. »

    Première divergence, cette solennité peut n'être que civile en France (par devant le maire ou l'un de ses adjoints), tandis qu'en Algérie, le mariage se dédouble en mariage religieux et en mariage civil[2], encore que la réforme de 2005 tende à institutionnaliser le mariage en impliquant le ministère public dans les mariages[3].

    Cette contribution pourrait être déclinée selon le pays de résidence de l'intéressé(e) en distinguant plusieurs situations :

    • Le cas d'un Algérien se mariant en Algérie avec une Française.
    • Le cas d'une Algérienne se mariant en Algérie avec un Français.
    • Le cas d'un Algérien se mariant en France avec une Française.
    • Le cas d'une Algérienne se mariant en France avec un Français.


    Compte tenu des données migratoires, ce sera le cas, le plus souvent, de l'Algérien ou de l'Algérienne venant en France épouser un (ou une) Français(e), l'inverse demeurant partie congrue. Il se peut néanmoins que le mariage se produise en Algérie, ce qui aura des répercussions au plan du droit international privé par l'entremise de la loi du lieu de célébration (lex loci celebrationis) ou de la loi du statut personnel de l'intéressé(e). En droit international privé français, l'alinéa 3 de l'article 3 du code civil, règle de conflit de lois originellement destinée à gouverner la situation des nationaux d'un État, mais rendue applicable aux situations étrangères par la jurisprudence, sera appliquée distributivement à chacun des époux, c'est-à-dire que chacun reste soumis aux dispositions du droit interne concernant l'état des personnes. Encore que c'est bien souvent la lex fori (loi du for, autrement dit la loi du juge saisi) qui déterminera les conséquences du mariage et du divorce (unilatéralisme), en l'occurrence la loi algérienne, qui laisse au pouvoir réglementaire la question des mariages bi-nationaux (v. infra).

    Ce n'est néanmoins pas cette structure d'article qui sera suivie, mais plus simplement la construction et la consolidation, l'effacement et la rupture de l'union maritale franco-algérienne.

    La construction et la consolidation de l'union maritale franco-algérienne

    En comparant les « prémisses » du mariage puis sa célébration, il conviendra de prendre la mesure des divergences et difficultés, non dirimantes mais souvent pesantes, à surmonter pour que l'union maritale puisse se réaliser[4], en présence surtout d'un droit algérien fondé sur le patriarcat, dont la famille « constitue la cellule de base de la société » (art. 2 du Code algérien de la famille du 9 juin 1984 - L'article 2 poursuit :

    « La famille se compose de personnes unies par les liens du mariage et par les liens de parenté »

    - ;l'article 3 apporte une touche sociale ethnologiquement intéressante :

    « La famille repose dans son mode de vie sur l'union, la solidarité, la bonne entente, la saine éducation, la bonne moralité et par les liens de parenté »

    - . La récurrence des liens de parenté semble en décalage avec l'urbanisation grandissante (60 % de la population est urbaine - estimation 2000).

    Les prémices du mariage franco-algérien

    L'étude des prémices du mariage abordera de manière thématique les conditions tenant à la religion (1), celles tenant au consentement et à l'âge (2), les fiançailles (3) et d'autres considérations d'ordre social et d'ordre public (4).

    Les conditions tenant à la religion

    Tant en France qu'en Algérie, la cohésion confessionnelle peut être exigée par la famille (l'article 31 du Code algérien de la famille de 1984 disposait fermement que « la musulmane ne peut épouser un non-musulman »). La réforme de 2005 a un tant soit peu modifié cette approche : désormais, les musulmanes épousant des non-musulmans sont considérées comme temporairement prohibées[5]. Lorsque cette cohésion n'existe pas, il faut que le candidat au mariage se convertisse à la religion de l'autre.

    Cet article n'aborde que la conversion à l'islam[6], car elle est une exigence dans l'immense majorité des cas.

    Comme l'a écrit G. A. L. Droz :

    « Le mariage islamique, quoique peu marqué par le formalisme, reste une cérémonie religieuse. En effet, l'échange des consentements doit avoir lieu soit entre le futur époux et le tuteur matrimonial de la mariée mais en présence de deux témoins [requis aux fins de preuve] et du tuteur matrimonial. L'obligation de procéder à un mariage religieux complique évidemment les relations privées internationales (...){{fin citation[7]|}}

    Pratiquement, la conversion, à l'islam est indispensable[8].. La conversion proprement dite obéit à« un processus très simple pour laquelle il n'existe pas de méthode à suivre, comme c'est le cas par exemple pour le baptême pour le christianisme. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir recours à un savant musulman, un imâm ou une organisation pour cela. On peut le faire seul, bien que la meilleure solution pour cela reste effectivement de prendre contact avec le responsable d'une instance islamique reconnue, ou d'un centre ou d'une organisation islamique ou encore d'une mosquée, afin d'obtenir un minimum de renseignements sur l'islam et ses préceptes ». Pour devenir musulman il suffit de prononcer la Chahâdah, l'attestation de foi : « Ach ha dou allâ'ilâha illâlâha wa ach ha dou anna mouhammadan abdouhou wa rasoûlouh » : « J'atteste qu'il n'y a point d'autre divinité que Dieu, et j'atteste que Mahomet est le Messager de Dieu » [9]. S'ensuivent diverses professions de foi[10]. Il est vivement conseillé d'obtenir un document attestant la « re-conversion » auprès de l'imâm de la localité la plus proche[11].. Les mariages chrétiens (catholiques, protestants, orthodoxes) ou mosaïques, pour ne retenir que les religions les plus pratiquées en France, sont quasiment impossibles du point de vue algérien, très fortement marqué par l'islam qui exclut toute mixité. Inversement, la conversion d'une musulmane à une autre religion la rangera au rang de l'apostasie, avec toutes les conséquences que cela entraînera du point de vue juridique (droit civil), de sa famille, de son entourage, de ses ami(e)s.

    Les conditions tenant au consentement et à l'âge

    Acte d'amour mais aussi de foi, dans certains cas, acte social du fait de l'intégration du promis ou de la promise dans la famille et la communauté de l'autre, le consentement est en principe libre : « Il n'y a pas de mariage s'il n'y a point de consentement » (art. 146 C. civ.) dans le droit français, avec des tempéraments, tenant aux mariages « arrangés » dans certaines familles traditionalistes nostalgiques de l'Ancien Régime. Il convient de rappeler que les clauses d'aliénation au droit matrimonial sont contraires à l'ordre public (art. 6 C. civ.)[12], mais les traditions demeurent parfois vivaces, et si les deux futurs conjoints ne s'y opposent pas, ils peuvent contracter une union dictée par la volonté familiale. Tout ce qui importe, c'est qu'à l'occasion de la célébration du mariage, chacun exprime son « libre » consentement au mariage par devant le maire ou l'un de ses adjoints.

    La règle, en droit français, demeure donc en principe la liberté matrimoniale. Elle s'infère a contrariodu texte de l'article 144 du code civil, dans sa nouvelle rédaction issue de la Loi du 4 avril 2006[13];: « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ». « Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage, d'accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves »[14]. Suit un tempérament inscrit à l'article 148 : « Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement », disposition façonnée par trois lois du premier tiers du XXe siècle[15](art. 149 C. civ. et s., ainsi que les art. 158 et s. abrogés par Ordonnance nº 2005-759 du 4 juillet 2005 art. 18[16]. Or, à l'égard d'enfants mineurs, les réticences des parents de la jeune fille ou du jeune homme de les voir s'expatrier dans un pays étranger tel que l'Algérie, dans l'ignorance de l'accueil qui leur sera réservé, paraît légitime.

    En Algérie les mariages décidés par les ascendants ou la famille plus généralement sont beaucoup plus fréquents, encore que le consentement doit en principe être libre mais « accompagné » : (code de la famille de 1984, art.9 : « Le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints, la présence du tuteur matrimonial (le wali - initialement le tuteur matrimonial ou « préfet », selon le contexte) et de deux témoins ainsi que la constitution d'une dot. Le Wali (généralement, le père, mais, depuis l'Ordonnance de 2005, El-wali peut être « toute personne » du choix de la prétendante[17] -à défaut, le wali sera le juge-[18] ne peut cependant « empêcher la personne placée sous sa tutelle de contracter mariage si elle le désire et si celui-ci lui est profitable. En cas d'opposition, le juge peut autoriser le mariage, sous réserve de l'article 9 de la présente loi(consentement des deux époux) » : art. 12 du code de la famille de 1984 : la notion de « profit » paraît assez honorable dans l'intérêt de la femme ; mais il s'agit, en Algérie, de forger des alliances familiales qui forment socialement un tissu aux mailles très resserrées, aux origines tribales: plus la famille est nombreuse, plus elle est opulente. Dans le même esprit, contradictoire sur le consentement à deux ou à trois (avec le tuteur matrimonial), « il est interdit au wali (tuteur matrimonial) qu'il soit père ou autre, de contraindre au mariage la personne mineure placée sous sa tutelle de même qu'il ne peut la marier sans son consentement -art. 13-»). Le consentement jouera après, avec l'accord du père algérien, ou de son tuteur[19]. Cela est très loin du principe français d'égalité qui, certes, n'est pas pleinement appliqué, notamment dans le milieu professionnel. En matière matrimoniale, c'est la pleine égalité des époux ; aussi ne faut-il pas oublier que la femme française est protégée par son statut personnel (fait de détenir une nationalité conférée par l'État qui assure la protection de ses ressortissants au sein de ses frontières comme à l'étranger) car le code algérien de la famille de 1984 n'a vocation qu'à régir les rapports entre Algériens (v. cep. art. 31 nouv. C. fam. alg. 1984 (réd. Ord. 2005)). La femme algérienne est, elle, quasiment considérée comme une incapable majeure (Coran, An' Nisa, 4e sourate, texte de droit civil, militaire, et de dévotion), ce qui entre en contradiction avec le régime proclamé de libre consentement de l'épouse.

    Cet accord sera le plus souvent suspendu à la confession du futur conjoint français, mais à d'autres facteurs encore, qui peuvent être fort raisonnables (assurance requise que sa fille puisse être matériellement à son aise, qu'elle ait terminé ses études et trouvé un travail...).

    Quant aux conditions tenant à l'âge, celles-ci sont à peine plus sévères dans les mariages civils algériens : l'article 7 du code de 1984 disposait que « La capacité de mariage est réputée valide à vingt et un ans révolus pour l'homme et à dix huit ans révolus pour la femme. Néanmoins, l'Ordonnance de 2005 a aligné l'âge nubile de l'homme et de la femme à 19 ans (article 7 nouv C. alg. fam.). Existe un tempérament, comme en droit français : Toutefois, le juge peut accorder une dispense d'âge pour une raison d'intérêt (?!) ou dans un cas de nécessité »; plus explicite, l'Ordonnance de 2005 a amendé le texte : « Le juge peut accorder une dispense d'âge pour une raison d'intérêt (?!) ou en cas de nécessité, lorsque l'aptitude (sic) au mariage est établie. Le conjoint mineur acquiert la capacité d'ester (d'agir) en justice, quant aux droits et obligations résultant du contrat de mariage ». Il s'agira par exemple de la fiancée enceinte, laissée sans statut matrimonial avant sa majorité nubile civile, lorsque les noces religieuses peuvent avoir déjà été consommées. Mais le droit musulman est peu regardant sur la consécration civile. M. Salah-Bey[20]cite un arrêt de la Cour suprême algérienne selon lequel :

    « Il est établi en doctrine musulmane et en jurisprudence, qu'est valide tout mariage remplissant les conditions du droit musulman, même s'il n'est pas inscrit à l'état civil, et qu'il entraîne les effets de droit, et les droits matrimoniaux et la filiation légitime » (arrêt du 25 nov. 1989)

    Pour une femme française, épouser un Algérien c'est, en principe, épouser l'Islam, encore que nombre d'Algériens « occidentalisés », vivant en France, sont peu regardants sinon sur les principes du moins sur la pratique de cette religion (irrespect des cinq prières quotidiennes, du jeûne, consommation de boissons alcoolisées, de viande non religieusement sacrée, voire de porc... ; il ne s'agit plus d'un musulman). Quant aux mariages mixtes, le code algérien de la famille de 1984 se contente de renvoyer la question au pouvoir réglementaire : art. 31 (réd. Ord. 2005): « Le mariage des Algériens et des Algériennes avec des étrangers des deux sexes obéit à des dispositions réglementaires ». De fait, enseigne M. Salah-Bey,
    «  Le mariage est parfois subordonné à une autorisation administrative. Pour les étrangers, elle est délivrée par le wali (l'équivalent du préfet ou du juge, selon les cas) suivant l'arrêté ministériel du 11 février 1980. Lorsqu'un seul des époux a la qualité de résident, cette autorisation nécessite l'avis des services de sûreté nationale. Quant au mariage d'un Algérien avec un conjoint étranger, l'autorisation doit recueillir l'avis conforme de ces services.  »

    Pour une femme algérienne désirant épouser un Français, question censée être régie par le pouvoir réglementaire avec quelque opacité, soit elle obéit aux probables commandements du père (ou autre proche parent mâle), exigeant qu'elle épouse un musulman, soit elle y contrevient et dès lors risque fort d'être mise au ban de sa famille natale, ce qui aura probablement des conséquences civiles (successorales, par exemple, mais aussi affectives et psychologiques) pernicieuses.

    Les conditions attachées à la religion, au consentement et à l'âge d'un côté comme de l'autre de laMéditerranée sont donc cruciales, il faut que chaque futur époux satisfasse aux conditions de fond et non de forme que lui impose son statut personnel, règle extraite en France de l'article 3 al. 3 du code civil précité : « Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger », bilatéralisée, autrement dit appliquée distributivement à chaque époux : « Les conditions de fond du mariage s'apprécient distributivement selon la loi nationale de chacun des époux »[21]. Il s'agit ici d'une règle fondamentale du droit international privé sur laquelle on reviendra infra.

    Les fiançailles

    Alger capitale de l'Algérie

    Avant d'examiner les autres conditions des mariages franco-algériens, il faut évoquer brièvement le rôle des fiançailles en droit français et algérien.

    En droit français, les fiançailles, ou « promesses de mariage », ne sont pas exigées par la loi ; la doctrine a noté l'apogée puis le déclin des fiançailles[22], que le code civil a délaissées alors que ce fait social engendrait, par tradition, des questions d'ordre juridique, résolues par la jurisprudence. Le problème surgit le plus souvent en cas de rupture des fiançailles, qui ne sont pas un contrat, (v.supra). Le fiancé léger, séducteur et ingrat[23], tout comme la fiancée indécise, timorée et renonçant finalement à l'union, dès lors qu'il y a rupture fautive des fiançailles[24]. Plus généralement, la rupture de la promesse n'est pas fautive, pour préserver le principe de la liberté matrimoniale[25]. Elle donne lieu à des restitutions : présents d'usage[26], donations, car il n'y a pas eu mariage (art. 1088 C. civ.) ; cadeaux et autres, sauf rupture fautive, à moins qu'il ne s'agisse de bijoux de famille.

    Du point de vue algérien, les fiançailles accompagnent généralement le mariage religieux (fatiha : prologue du Coran)[27]; celui-ci peut-être contracté et consommé par un Algérien avec une mineure (jadis, dès les premières règles de la jeune fille, le mariage pouvait être consommé. Il semble que cette pratique ait disparu des mentalités, mises à part des exceptions locales très réduites et les véritables enlèvements de mineures. Plus tard, à la majorité des « époux », officialisé par un mariage civil. À cette occasion, une dot (mahr - en français : le prix (il ne faut pas oublier que le mariage est un contrat. On l'a rapproché de la vente, mais cette vision est simpliste) - ou sadâk), qui sera tantôt symbolique, tantôt substantielle, selon les us et coutumes locales sera transmise à la fiancée (v. art. 14 du code de la famille de 1984 : « La dot est ce qui est versé à la future épouse en numéraire ou tout autre bien qui soit légalement licite » et art. 15 réd. Ord. 2005 : « La dot est déterminée dans le contrat de mariage que son versement soit immédiat ou à terme. À défaut de la fixation du montant de la dot, la dot de parité «sadaq el-mithi » est versée à l'épouse ». Par ailleurs, « La consommation du mariage ou le décès du conjoint ouvrent droit à l'épouse à l'intégralité de sa dot. Elle a droit à la moitié de la dot en cas de divorce avant la consommation » (art. 16). Enfin, « Si avant la consommation du mariage, la dot donne lieu à un litige entre les conjoints ou leurs héritiers et qu'aucun ne fournit une preuve, il est statué, sous serment, en faveur de l'épouse ou de ses héritiers. Si ce litige intervient après consommation, il est statué, sous serment, en faveur de l'époux ou de ses héritiers » (art. 17). Simple somme symbolique dans la plupart des cas, il s'agira souvent de la robe de mariée et de ses parures, qui donneront lieu à restitution en cas de rupture. Le code de la famille de 1984 comporte des dispositions civiles sur les fiançailles ; l'article 5 de ce code prévoyait que « Les fiançailles constituent une promesse de mariage ; chacune des deux parties peut y renoncer » (al. 1er), ce qui revient au même résultat que le droit prétorien français. Le régime des restitutions est en revanche plus tranché : « S'il résulte de cette renonciation un dommage matériel ou moral pour l'une des deux parties, la réparation peut être prononcée » (art. 5, al. 2) - rapprocher art. 1382 du code civil français préc. Le régime des restitutions suit l'acte de rupture : « Si la renonciation est du fait du prétendant, il ne peut réclamer la restitution d'aucun présent» (art. 5 al. 3) avec une légère variante pour la fiancée : « Si la renonciation est du fait de la fiancée, elle doit restituer ce qui n'a pas été consommé » (art. 5 al. 4). L'Ordonnance présidentielle n'a rien changé sur ce point[28]. L'article 6 précise que les fiançailles peuvent être concomitantes à la fatiha(« ouverture » du nom de la plus importante et chronologiquement premiere sourate du Coran, et qu'on trouve à l'ouverture de tous les Coran) ou la précéder d'une durée indéterminée, et que, comme les fiançailles, elle est régie par les dispositions de l'article 5. L'article 6 résultant de la modification présidentielle se lit désormais comme suit: « La Fatiha concomitante aux fiançailles El-Khitba, en séance contractuelle, si le consentement des deux parties des deux parties et les conditions du mariage sont réunis, conformément aux dispositions de l'article 9 bis de la présente loi (v. infra) »

    Les autres conditions d'ordre social et d'ordre public

    La question de l'âge a été précédemment examinée ; demeurent les questions du sexe des époux, de la monogamie/polygamie, et des empêchements de parenté ou d'alliance.

    Prohibition bilatérale des mariages homosexuels

    En France comme en Algérie, le mariage homosexuel[29] est contraire à l'ordre public d'un côté, à l'ordre moral et religieux de l'autre (v. le Coran, le code de la famille de 1984 n'exprime pas directement cet interdit, tant il tombe sous le sens en pays musulman) : du code civil français, il est déduit cet interdit de l'article 4 : « Le mariage est un contrat passé entre un homme et une femme... ». Ceci s'infère indirectement du texte du code civil qui n'évoque que le mariage de l'homme et de la femme (v. art. 144 précité), et du Coran, auquel obéissent toutes les lois algériennes, l'Algérie étant, faut-il rappeler, une « République démocratique populaire » très marquée par l'islam.

    Le mariage homosexuel existe dans plusieurs pays occidentaux ; la France a fait un pas dans cette voie en créant le Pacte civil de solidarité (PACS) permettant notamment à deux personnes de même sexe l'acquisition de droits et l'allègement d'obligations civiles ou autres[30] : cf. art. 515-1 C. civ.: « Le pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». L'ordre public algérien ne tolèrera certainement pas ce texte du fait de la présence des mots en caractère gras et n'y verra pas une alternative au mariage d'un ou d'une Algérien(ne).

    L'ordre public algérien ne reconnaîtra pas davantage l'union libre à la française (néanmoins, il ne faut pas oublier la diversité sociologique : on verra à Alger des jeunes filles les cheveux au vent tenant leur petit ami par la main ; on ne verra, sans pouvoir photographier, qu'un œil d'une femme vêtue selon la coutume de Ghardaïa, dans la région du Mzab, où vivent les Ibadites du mouvementKharijita, parmi les plus fervents dévots à l'islam), pour la même raison, le concubinage tel qu'il est actuellement défini, après la réforme de 1999 instaurant le PACS. L'article 515-8 le définit ainsi : « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». L'union libre entre un Français et une Algérienne n'a en revanche a priori, en terre française, rien de blâmable, dans l'attente par exemple que les conditions tenant au consentement parental soient satisfaites (les fiançailles ouvriront possibilité d'accomplissement de l'acte de chair, dans l'attente du mariage : à défaut, en droit algérien, la femme doit se présenter vierge devant son promis).

    Les mariages polygamiques

    Le caractère impérieux de perpétuer l'espèce lors des guerres, laissant aux villages ou campements une poignée d'hommes et nombre de femmes, est la logique de la polygamie[31] (la polygynie plus exactement), permettant à un homme d'épouser une voire plusieurs autres femmes en plus de sa première épouse (« Le Coran autorise la polygamie dans la limite de quatre épouses, mais établit également que « si tu crains de ne pas être également juste envers les épouses, n'épouse qu'une seule femme ». « Pratiquée à différentes époques dans de nombreuses sociétés, la polygynie est encore en usage dans les pays musulmans et dans certaines parties de l'Afrique, du Moyen-Orientou du Proche-Orient où la loi islamique l'autorise. Cependant, la polygynie n'a jamais constitué la seule forme de mariage dans une société. En règle générale, seuls les hommes riches et puissants étaient en mesure d'entretenir des familles polygyniques, alors que la majorité de la population vivait dans des relations monogames. Lorsqu'un homme épouse des sœurs, cette forme de polygynie est appelée sororale [N.B. : elle est prohibée par le droit algérien et coranique]. Pour le mari, lapolygynie est un type de mariage séduisant pour plusieurs raisons : elle implique une plus grande contribution économique des épouses au revenu du foyer, une disponibilité sexuelle accrue, et elle confère un statut social élevé à celui qui entretient plus d'une femme. La polygynie peut aussi s'avérer séduisante pour les femmes dans la mesure où elle leur confère un rôle dans des sociétés qui n'attribuent aucun rôle social reconnu aux femmes non mariées et où elle implique le partage avec des coépouses de l'éducation des enfants et des tâches domestiques. »[32]. Cf. Coran, 4, 3 : « Et si vous craignez de n'être pas justes envers les orphelins...Il est permis d'épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n'être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela afin de ne pas faire d'injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille) »[33]..

    En Algérie, le Code de 1984 admet la polygamie avec quelques réserves ; son article 9 prévoit qu'« il est permis de contracter mariage avec plus d'une femme dans les limites de la sharî'a si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies et, après information des précédente et future épouses. L'une et l'autre peuvent intenter une action judiciaire contre le conjoint en cas de loi ou demander le divorce en cas d'absence de consentement ».

    En France, la monogamie est d'ordre public[34]. La Cour de cassation n'a de cesse de le réaffirmer : « La monogamie est un principe d'ordre public. Ainsi, ne peut produire effet en France le second mariage d'un homme de nationalité française, célébré au mépris de la loi française, cet homme étant déjà marié en Algérie, même si, au regard de la loi algérienne, celui-ci pouvait être considéré comme algérien par les autorités algériennes »[35]. Comme le rappellent H. Batiffol et P. Lagarde, « La Cour de cassation a jugé, dans l'affaire Baaziz, que la conception française de l'ordre public international "s'oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une Française produise ses effets à l'égard de celle-ci"(...) » ; « s'il est estimé que la polygamie est une atteinte insupportable à l'égalité des sexes et à la dignité de la femme, il convient (...) de lui opposer l'ordre public dans tous les cas, au moins lorsque les intérêts de la première femme sont en jeu, sans distinguer la nationalité de celle-ci »[36]. Mais l'on est bien loin des interdits de l'Islam ou encore de la discrimination raciale qui a sévi aux États-Unis jusqu'à la moitié du XXe siècle. Point de polygamie avec une femme de nationalité française en France : « On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier » (art. 147 C. civ.).

    Les empêchements de parenté et d'alliance

    L'inceste, tabou des tabous, est naturellement l'empêchement à mariage le plus nettement inscrit dans les droits civils français et coranique. En droit français, l'article 161 du code civil dispose qu'« en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels, et les alliés dans la même ligne » ; l'article 162 poursuit : « En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère ou la sœur ». L'article 163[37] dispose que « Le mariage est encore prohibé entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu».) - Avant janvier 2005, il était distingué dans ces dispositions-ci du code, et dans d'autres encore, entre filiation légitime et naturelle-. Il existe une exception inscrite à l'article 164 : « Néanmoins, il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées : 1° par l'article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l'alliance est décédée » ; (Abrogé par L. n° 75-617 du 11 juill. 1975) « 2° par l'article 162 aux mariages entre beaux-frères et belles sœurs »; « 3° par l'article 163 aux mariages entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu ».

    En droit algérien, les conjoints doivent être exempts des empêchements absolus ou temporaires au mariage légal[38]. Si la règle générale affecte les deux époux, le code de 1984 se contente uniquement d'énoncer les empêchements affectant ce qu'il nomme « les femmes prohibées ». Sont absolus les empêchements au mariage légal ceux tenant à la parenté (C. fam. alg. 1984, art. 25 : «Les femmes prohibées par la parenté sont les mères, les filles, les sœurs, les tantes paternelles et maternelles, les filles du frère ou de la sœur ». Les oncles ont donc le droit d'épouser leur nièce, dans le silence du texte ou à l'alliance[39] de la femme, ou au fait qu'elle allaite[40].. Rien n'est jusqu'ici donc dit de l'époux, en revanche (art. 24, v. cep. art 30 infra). Sont temporaires les empêchements affectant les « femmes prohibées » qui sont : - déjà mariées ; - en période de « retraite légale » à la suite du décès de son mari ; - « divorcées par trois fois » par le même conjoint pour le même conjoint ; - qui viennent en sus du nombre légalement permis. L'article 30 ajoute, à l'intention de l'époux cette fois-ci : « Il est également interdit d'avoir pour épouses deux sœurs simultanément, ou d'avoir pour épouses en même temps une femme et sa tante paternelle ou maternelle, que les sœurs soient germaines, consanguines, utérines ou sœurs par allaitement ».

    Le code de la famille algérien de 1984 distingue le mariage vicié du mariage nul, le premier pouvant entraîner le second (art. 32 à 35 - art. 32 C. fam. alg. 1984 : « Le mariage est déclaré nul si l'un de ses éléments constitutifs est vicié ou s'il comporte un empêchement, une clause contraire à l'objet du contrat » une phrase a été supprimée du texte par l'Ordonnance de 2005 : « ou si l'apostasie du conjoint est établie» ; art. 33 réd. Ord. 2005 : « Le mariage est déclaré nul si le consentement est vicié. Contracté sans la présence de deux témoins ou de dot, ou du « wali » lorsque celui-ci est obligatoire, le mariage est résilié avant consommation et n'ouvre pas droit à la dot» ; art. 34 : « Tout mariage contracté avec l'une des femmes prohibées est déclaré nul avant et après sa consommation. Toutefois, la filiation qui en découle est confirmée et la femme est astreinte à une retraite légale » ; art. 35 : « Si l'acte de mariage comporte une clause contraire à son objet, celle-ci est déclarée nulle mais l'acte reste valide ». Comp. En droit français la théorie et la pratique du mariage putatif, art. 201 C. civ. : « Le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l'égard des époux, lorsqu'il a été contracté de bonne foi (al. 1er). Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en faveur de cet époux (al. 2)». La jurisprudence admet la putativité du mariage selon la loi de la condition violée, le régime matrimonial ayant été liquidé conformément à la loi du premier domicile conjugal [41];.

    Les noces et leurs effets juridiques

    Code civil français (1804)

    Au regard des dispositions rigoristes du droit algérien

    En droit algérien, sous l'empire du Code de 1984, les droits et obligations des conjoints ont des obligations communes (art. 36 réd. Ord. 2005 - « Les obligations des deux époux sont les suivantes :

    1. Sauvegarder les liens conjugaux et les devoirs de la vie commune;
    2. La cohabitation en harmonie et le respect mutuel dans la mansuétude;
    3. Contribuer conjointement à la sauvegarde de la famille, à la protection des enfants et à leur saine éducation;
    4. La concertation mutuelle dans la gestion des affaires familiales, et l'espacement des naissances;
    5. Le respect de leurs parents respectifs, de leurs proches et leur rendre visite;
    6. Sauvegarder les liens de parenté et les bonnes relations avec les parents et les proches;
    7. Chacun des époux a le droit de rendre visite et d'accueillir ses parents et proches dans la mansuétude. »
    première page du Alcoranus Arabice

    L'épouse, qui a le « droit de visiter ses parents prohibés » et de disposer de ses biens en toute liberté (art. 38), l'article 39 énonce que « L'épouse est tenue de :

    1. obéir à son mari et de lui accorder des égards en qualité de chef de famille ;
    2. allaiter sa progéniture si elle est en mesure de le faire et de l'élever ;
    3. respecter les parents de son mari et ses proches ».

    Au regard du patrimoine de chaque époux

    En droit algérien. sur le plan patrimonial, l'article. 37 nouv. C. alg. fam. dispose que: « Chacun des deux époux conserve son patrimoine. Toutefois, les deux époux peuvent convenir, dans l'acte de mariage ou par acte authentique ultérieur, de la communauté des biens acquis durant le mariage et déterminer les proportions revenant à chacun d'entre eux ».

    En droit français, le Code civil, dans le Chapitre régissant les obligations qui naissent du mariage, insiste sur celles des parents à l'égard de l'enfant. À la différence du droit algérien la famille est conçue en droit français initialement comme le cercle restreint parents-enfants[42]. Il n'est pas question dans ce Code de préservation des liens avec les ascendants, les collatéraux ou les proches comme en droit algérien. La famille née du mariage s'émancipe de celle, plus large, qui préserve cependant des droits successoraux[43]. Ces obligations tiennent à la nutrition, l'entretien et l'éducation de l'enfant (art. 203 C. civ.). Inversement, les enfants devront, en retour, « des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » (art. 205 C. civ.). Ces obligations sont pour le surplus patrimoniales (art. 204 à 211 C. civ).

    Le mariage en droit français fait naître des devoirs et des droits respectifs des époux (art. 212 s.). Ils sont bien connus, le maire les rappelle aux époux lors des noces civiles : devoir de fidélité, de secours et d'assistance (art. 212), notamment, obligation mutuelle à une communauté de vie (art. 215 al. 1er). L'égalité est de droit : « chaque époux a la pleine capacité de droit » ; mais, comme en droit algérien, des conventions matrimoniales peuvent affecter les droits et pouvoirs des époux (art. 216). Par exemple, l'article 223[44] prévoit que « Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ». De plus « Chaque époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels » (art. 225). Ces dispositions-ci ne sont pas affectées par le choix du régime matrimonial (art. 226).

    La preuve du mariage est similaire en droit algérien et en droit français : le Code de la famille de 1984 prévoit en son article 22 que « le mariage est prouvé par la délivrance d'un extrait du registre de l'état civil (...) » La réforme de 2005 a juridictionnalisé cette disposition : « À défaut d'inscription, il est rendu valable par jugement. Le jugement de validation du mariage doit être transcrit à l'état civil à la diligence du ministère public » (al.2). Le droit civil français s'en remet également au registre de l'état civil (art. 194 C. civ.). Il traite au surplus de la possession d'état qui « ne pourra dispenser les prétendus époux qui l'invoquent respectivement, de représenter l'acte de célébration du mariage devant l'officier d'état civil » (art. 195 ; v. aussi les art. 196 et 197).

    Au regard de l'acquisition de la nationalité

    Un droit fondamental attaché au mariage d'un(e) Algérien(ne) en France est l'octroi de la nationalité française. Celui-ci vient d'être aménagé par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 « relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité »[45]. Un nouvel article 21-2 du code civil dispose que « L'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective [on imagine bien mal le juge exercer un contrôle des affects, il n'est guère formé à la psychologie, même si par expérience il décèlera les couples d'amour et les mariages blancs .

    A suivre .

     

    Source :http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/540501

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