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    La pierre de l'oreille des poissons, une véritable boîte noire

    Si votre médecin, d'après l'examen de vos oreilles, pouvait vous dire votre âge, votre vitesse de croissance lorsque bébé et votre lieu de résidence, vous seriez fort étonné. Mais Steve Campana, chercheur à l'Institut océanographique de Bedford (IOB), à Dartmouth (Nouvelle Écosse), peut, d'après l'examen des pierres de l'oreille ou otolithes d'un poisson, dire un tas de choses à son sujet.

    « L'otolithe d'un poisson est l'indicateur le plus fiable de sa biologie », selon Steve. Mais il omet de mentionner ce que ses collègues du monde entier savent : c'est grâce à ses recherches que la science des otolithes ou otolithométrie est ce qu'elle est aujourd'hui.

    Les otolithes sont de petites concrétions calcaires de l'oreille interne qui se trouvent chez tous les poissons. Ce sont les organes de l'ouïe et de l'équilibre. Comme de nouvelles couches s'y déposent chaque année, les chercheurs peuvent déterminer l'âge d'un poisson en examinant une tranche de son otolithe au microscope. Pour ce faire, ils dénombrent les cercles de croissance, qui font penser aux anneaux visibles sur une coupe de tronc d'arbre.

    Une tranche d'otolithe polie permet aux chercheurs de voir la microstructure des accroissements journaliers à l'examen au microscope.

    La détermination de l'âge d'un poisson est indispensable à la compréhension de son cycle vital. La lecture des otolithes permet également aux chercheurs de calculer la contribution proportionnelle de diverses classes d'âge (poissons nés dans une année donnée) à un stock de poissons, ce qui leur permet d'estimer l'effectif actuel et futur de chaque classe et du stock en général. Munis de cette information, ils peuvent recommander des quotas de capture ou d'autres mesures de conservation.

    Bien que ce ne soit pas le seul moyen de déterminer l'âge d'un poisson, la lecture des otolithes est la méthode la plus précise. Dans les dernières décennies, par exemple, elle a permis d'établir que le sébaste du Pacifique vit beaucoup plus longtemps que ne le pensaient les scientifiques. Ce poisson peut atteindre l'âge de 140 ans, alors qu'ils croyaient que son espérance de vie était de 30 ans. L'hoplostète orange vit encore plus longtemps, jusqu'à 200 ans. Étant donné que la reconstitution naturelle des stocks de cette espèce est lente, la pêche commerciale doit être pratiquée avec grande prudence, ce qui explique pourquoi ce poisson a quasiment été exterminé avant que l'on réalise sa longévité.

    Les scientifiques connaissent l'existence de ces anneaux de croissance depuis longtemps. Une découverte révolutionnaire dans les années 1970 et 1980, propulsée par Steve, a permis de faire d'immenses progrès. Les chercheurs ont constaté qu'il était possible de déceler les accroissements journaliers même durant les premiers mois de vie d'un poisson. Ces minuscules anneaux sont des indicateurs étonnamment précis de l'âge de larves aussi petites que la pointe d'une épingle. Leur épaisseur est un indicateur de la vitesse de croissance, du régime alimentaire, de l'état de santé et des conditions du milieu de vie des larves. À partir des accroissements journaliers, on peut également retracer les différentes étapes du développement larvaire à partir de la naissance.

    En plus de fournir de l'information sur des espèces connues, les otolithes servent à l'identification des poissons. La forme de cette structure est une pièce d'identité de l'espèce. Et comme les otolithes sont souvent tout ce qui reste d'un poisson dans l'estomac ou les excréments d'un phoque, leur forme permet aux biologistes de reconstituer ce que ce mammifère a mangé.

    Les otolithes servent également à identifier le stock d'origine et le milieu de vie d'un poisson. Et c'est encore Steve Campana qui a mis la méthode au point lorsque, au milieu des années 1990, il a commencé à faire des analyses chimiques d'otolithes.

    La composition de l'eau où vit un poisson laisse des traces chimiques dans ses otolithes. En analysant les éléments de ces composés chimiques, les scientifiques ajoutent à la liste des indicateurs caractérisant un stock en général, et se disposent également d'un nouveau moyen d'identifier le stock d'origine d'un poisson particulier.

    Par exemple, Steve a utilisé ces étiquettes élémentaires pour distinguer les stocks de morue qui s'entrecroisent et se mélangent à l'embouchure du golfe du Saint Laurent. « Nous avons établi que, pour l'identification des stocks de pêche mixte, les otolithes donnent de meilleurs résultats que l'analyse de l'ADN », a t il précisé.

    Et ce n'est pas tout. Les étiquettes élémentaires permettent de suivre les migrations des poissons. Par exemple, les collègues de Steve à Pêches et Océans Canada (MPO) ne disposaient pas de données solides sur les déplacements d'un stock de sébaste dans l'Atlantique Nord Ouest. Il est impossible d'étiqueter ce poisson des profondeurs, et la remontée à la surface d'individus vivants leur cause des dommages internes. Steve a analysé des otolithes de sébastes provenant de ce stock et a établi qu'il entre et sort du golfe du Saint Laurent chaque année.

    Steve a aidé nombre de ses collègues au Canada et à l'étranger à se servir des étiquettes élémentaires. Utile pour les études de la biologie des poissons se trouvant en haute mer, l'analyse élémentaire se prête particulièrement bien à l'établissement du lien entre les premiers stades de développement d'un poisson et les eaux estuariennes et côtières.

    Dans les années 1990, Steve a participé au développement d'une autre technique, qui permet de résoudre de vieux problèmes. Il était difficile, même pour des chercheurs chevronnés, de lire les nombreux anneaux d'otolithes de poissons âgés appartenant à des espèces de longue espérance de vie. Même s'ils savaient l'âge d'un poisson, ils étaient incapables d'établir l'année de sa naissance s'ils ne savaient pas la date de sa mort.

    La solution à ce problème est tombée du ciel. Les essais nucléaires effectués par les États-Unis et l'Union soviétique à la fin des années 1950 et dans les années 1960 ont laissé des traces de radiocarbone dans l'atmosphère et l'océan. Si un chercheur n'est pas certain si un poisson a, disons 49 ans d'après la lecture de son otolithe, il peut maintenant utiliser des méthodes sensibles de datation pour établir si elle contient la signature laissée par les essais nucléaires faits en 1958.

    La validation des âges de poissons âgés permet de mettre au point les techniques de lecture des otolithes. Elle sert également aux chercheurs d'indicateur indépendant des dates, de sorte qu'ils peuvent dénombrer les anneaux à rebours et ainsi établir l'année de naissance d'un poisson âgé. Comme la méthode des anneaux de croissance, la méthode de datation par le radiocarbone a été adoptée à l'échelon mondial.

    La forme, le nombre d'anneaux de croissance, la composition chimique et les traces de radiocarbone d'un otolithe sont tous des éléments qui fournissent de l'information vitale.

    En plus de se servir des traces laissées par l'océan pour décoder l'histoire d'un poisson, les scientifiques peuvent maintenant utiliser un poisson pour obtenir un aperçu de l'océan. La température interne d'un poisson varie en fonction de la température de l'eau où il se trouve. Steve Campana ajoute que « aujourd'hui, nous pouvons utiliser la composition des otolithes d'un poisson pour reconstituer l'historique des températures de l'eau qu'il fréquentait ».

    Les océanographes et les biologistes ont besoin de ce type de données. De concert avec un étudiant diplômé, Steve, qui est également membre du corps enseignant de l'Université Dalhousie, a lancé un projet de reconstitution des températures agissant sur la morue des eaux néo-écossaisses au moment du déclin désastreux des stocks qui s'est produit au début des années 1990.

    L'otolithométrie est en plein essor. De nombreuses autres applications sont à l'étude ou déjà en usage. Par exemple, le personnel d'écloserie soumet souvent les poissons juvéniles à des variations chimiques ou thermales pour graver sur l'otolithe une forme de code d'identité qui ressemble beaucoup à un code à barres.

    Malgré leur diversité, la plupart des applications modernes de l'otolithométrie ont un élément en commun : elles s'appuient sur les recherches de Steve Campana. Auteur ou coauteur de quatre livres et d'un grand nombre d'articles scientifiques sur les otolithes, il demeure un chef de file mondial dans le domaine auquel il a tant contribué.

    Source :Peches et Oceans Canada

    http://www.dfo-mpo.gc.ca/index-fra.htm

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